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Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/98

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ÉPREUVES MATERNELLES

IX


Quand Denise se vit dans la rue, un grand découragement l’atteignit. Il lui semblait que chacun lisait dans ses yeux son désarroi et elle avait peine à se composer un maintien.

Cependant, il fallait qu’elle n’eût pas l’air hésitant. Chacun courait à ses affaires, et Denise ne voulait pas, parmi la foule, prendre l’allure d’une femme sans but.

Elle alla déposer son bagage dans la chambre d’hôtel occupée la veille. Elle s’y reposa quelques minutes, se demandant si elle y reviendrait le soir, ou si elle aurait une place nouvelle.

L’intention de s’enquérir près de l’hôtelier la traversa, mais elle eut peur qu’il ne lui offrît de rester chez lui. Elle ne l’aurait voulu à aucun prix. Aussi désireuse de travail, fût-elle, son éducation lui interdisait certaines promiscuités. Or, dans ce garni bon marché d’un quartier populeux pouvaient échouer bien des personnes équivoques.

Son rêve était d’entrer dans un ménage bourgeois et simple, où la maîtresse de maison, pas vulgaire, ne la considérerait pas absolument comme une inférieure. Sûrement ce ménage devait exister dans Paris, avec des milliers d’autres comme lui, mais il fallait le découvrir. Malheureusement, Denise était pressée.

Puis, ses pensées allèrent avec douleur vers ses chers petits. Des larmes jaillirent de ses yeux à cette évocation. Cependant, elle pouvait être assurée qu’il ne leur manquait rien. Elle payait leur bien-être de son calvaire. Si elle les eût emmenés, qu’eût-elle fait ? Que seraient-ils devenus tous les trois ? Elle frissonna en y songeant. Peut-être aurait-elle dû patienter encore ? Elle ne savait plus. Sa fuite avait été un geste tellement subit, dictée pour ainsi dire par une volonté plus forte que la sienne, qu’elle s’y était soumise sans la raisonner.

Cependant, Denise, voyant sa rêverie tourner à la