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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/108

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l’ombre s’efface

Nous fûmes très silencieux durant le repas.

J’affectais un air sévère, et comme mon mari n’y était pas accoutumé, il paraissait tout déconfit.

Il me dit :

M. de Gritte viendra tout à l’heure pour vous présenter des excuses.

— Oh ! je regrette qu’il veuille se déranger ; il marche si péniblement !

— Son rhumatisme va mieux et le chemin sera vite franchi ; puis Mme Saint-Bart l’accompagnera.

— Je serai très contente de les voir.

Nous tombâmes tous les deux dans un silence gênant. À vrai dire, cela me privait de ne pas parler. Je n’étais pas bavarde, mais j’aimais la conversation. Quant à Jacques, il était plutôt silencieux, mais il semblait souffrir de la situation que je laissais tendue par représailles.

Nous nous levâmes de table pour aller au salon, où nous attendîmes les de Gritte. Ce ne fut pas long. Leurs voix s’entendirent dans le vestibule et Jacques se précipita au-devant d’eux.

Le bon M. de Gritte fut vite devant moi et, m’empoignant les deux mains, il me dit d’un accent vibrant dont on ne pouvait nier la sincérité :

— Que je suis peiné, chère madame ! Ne nous en veuillez pas, je vous en conjure ! Je suis assez malheureux d’avoir un fils en proie à cette abominable maladie.

Je balbutiai :

— Je vous plains.

Il ne m’entendit pas et continua sur ce thème, révélant les fantaisies inqualifiables d’Hervé. Un docteur avait promis la guérison, et le pauvre père vivait dans cet espoir.

Le chagrin de Mme Saint-Bart ne se dissimulait pas et elle me disait en m’embrassant :

— Moi qui vous aime tant ! Vous avez dû avoir une peur affreuse !

Je ne voulais répondre ni oui, ni non. En avouant ma terreur, je craignais d’affliger ces malheureux, et en disant n’avoir pas eu d’émotion, je pouvais passer pour une effrontée.

Je ne discernais pas si l’épisode de l’après-midi avait été exactement raconté. Cependant Mme Saint-