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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/37

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l’ombre s’efface

tion un peu exagérée, bien que je fusse accoutumée à l’admiration. Si je la jugeais déplacée et hardie, c’est qu’elle s’exerçait en petit comité et qu’elle n’avait nulle raison de se manifester, puisque je ne dansais pas. L’admiration collective comportait une tout autre nuance que celle qui m’était montrée ici. Cependant, je dois l’avouer, je n’y décelais aucun danger.

Le danger, pour moi, affichait une autre forme : c’était jongler, en rythmant des pas sur un plateau étroit.

Hervé ne me paraissait pas dangereux, et si je voulais qu’il s’amendât, il fallait que j’y misse beaucoup de douceur et de patience.

Je restais naïve et crédule, c’était le fond de mon caractère. Quand je prenais la résolution de ne plus être dupe de mes idées, c’était là que je m’abusais davantage.

Je croyais posséder une expérience universelle, depuis que j’étais mariée, mais ma candeur était touchante. Je ne m’en doutais pas.

À dîner je fus placée à la droite d’Hervé, qui remplaçait sa mère en face de son père. J’avais pour voisin M. de Sesse.

C’était un homme très aimable, mais un peu triste, qui me demanda de quel pays j’étais. Sans doute, était-ce sa manie de chercher à connaître la contrée dans laquelle on avait vu le jour.

Or, ne m’ayant trouvé aucun accent, il voulait savoir d’où je venais. Sur le moment, j’éprouvai tant de surprise que j’hésitai à répondre. Je finis par dire que la Seine-et-Oise avait été le berceau de mon enfance.

Il ignorait donc ma vie d’artiste et mon odyssée de département en département dans la voiture des grands chemins.

Hervé écoutait. Il ne me fit aucune question. Il me parlait de la grâce des Parisiennes.

Je souriais tour à tour à mes deux voisins, mais je ne savais de quoi les entretenir. J’aurais pu leur proposer un cours sur la danse, mais je comprenais que parler de moi et de ma carrière ne serait pas du goût de mon mari qui, par son rang, aurait pu choisir une femme dans un monde supérieur. C’est pourquoi j’étais parfois humiliée. Le mystère de ma