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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/82

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l’ombre s’efface

Mon mari fut appelé au téléphone, et je restai seule en face de notre visiteur. Je crus pouvoir lui dire sur un ton dégagé :

— Je n’ai pas prévenu Jacques que je vous aiderai cet après-midi. J’ai craint que l’annonce de ce petit déménagement ne soit douloureuse pour lui.

— Ce travail est encore plus douloureux pour moi, mais vous avez bien fait de le lui cacher, d’autant plus qu’il est dans l’ignorance de cette location.

— Oh ! je compte bien le lui raconter plus tard ! ripostai-je vivement.

— Vous ferez comme vous l’entendrez.

Hervé avait commencé de parler un peu sèchement, mais ensuite son accent m’avait rassurée. Durant l’espace d’un éclair, j’avais entr’aperçu cet Hervé dont j’avais peur, mais tout de suite son beau visage s’était pacifié.

Jacques revint alors que nous causions gaîment sur l’ensorcellement que provoquaient les fouilles histo­riques.

— Vous vous moquez de moi, ainsi que de votre père, dit Jacques en se tournant vers son ami.

— Nous constations simplement que la science est tyrannique, répliqua Hervé, toujours souriant. Heureux ceux qu’elle peut satisfaire !

Craignant que ces paroles ne tournassent à la mélancolie, et de là à une tragédie intempestive, je prononçai très vite et bien haut, comme si j’étais un porte-voix :

— Vous savez que votre tante veut donner un bal ?

— Il paraît, mais cela ne m’intéresse pas beaucoup. Je sais aussi que l’on veut me marier, et je suppose que cette bonne tante rassemblera les plus jolies jeunes filles de sa connaissance pour faciliter mon choix.

— Ce sera, au contraire, beaucoup plus embarras­sant pour vous ! m’écriai-je.

— Tu te laisseras ébranler, dit Jacques.

— Je n’en sais rien,

— Je te le souhaite cordialement !

— Comment choisir dans une réunion où toutes seront jolies ? Je puis me fourvoyer. La plus belle peut être la plus désagréable.

Puis, brusquement, il me demanda :