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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/109

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marane la passionnée

— Que ferais-je d’ici mon mariage ! lançai-je étourdiment.

— Ton mariage ! s’écria maman, songes-tu vraiment à te marier ?

— Pourquoi pas, si l’occasion me plaît ?

— Tu n’y penses pas ! protesta maman avec véhémence.

Son regard croisa le mien. Il était chargé d’horreur.

Je me levai sans un mot et je m’en allai. Je sifflai mes chiens et je partis à l’aventure. Il était vingt heures et le soir d’août était merveilleux. Le ciel était d’opale, mais je ne l’admirai pas. J’étais abandonnée. Une grive chantait, mais je ne l’écoutai pas. J’étais trop seule. Je n’avais presque pas dîné, mais je ne sentais pas la faim. Mon esprit s’arrêtait sur une seule pensée : Ma mère allait-elle me haïr ?

J’éloignai cette pénible éventualité et, après un tour de parc, je revins.

Maman avait quitté la salle à manger et elle était dans sa chambre. Enfoncée dans un fauteuil, elle gémissait :

— Je n’en puis plus, répétait-elle, cela devient une obsession qui me rend folle.

Elle me vit :

— Marane, s’écria-t-elle, dis-moi la vérité.

— Quelle vérité ? fis-je d’un ton lassé.

— Qu’est-il arrivé dans le sinistre après-midi que tu sais ?

— Chanteux est mort noyé, répondis-je sans hésitation.

— Oh ! se révolta maman, comment peux-tu évoquer cela avec une si froide indifférence ?

Je haussai les épaules irrespectueusement.

— Chanteux était un être indigne. Il te terrorisait et nous menaçait de ruine, tout en nous volant d’une façon éhontée. Il voulait t’épouser. Il a disparu, tant mieux !

Je débitai ces mots avec une cruauté voulue.

Maman étendait les mains devant elle comme pour me repousser.

— Va-t-en ! cria-t-elle.

Docile, je sortis de sa chambre.

Dehors, je réfléchis, ce qui ne m’était pas arrivé depuis le soir tragique.

Je trouvais maman absolument incohérente. Elle avait eu peur de Chanteux, et, maintenant, son épouvante était plus