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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/119

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marane la passionnée

Ils servaient simplement de but à mes courses.

J’allai chez Lucas. Il n’était pas chez lui, mais sa femme était là avec ses sept enfants, dont l’aîné avait neuf ans.

C’était un jeudi et ils n’étaient pas à l’école.

— Ah ! c’est Mamzelle Marane ! Vous vouliez parler à Lucas ?

— Oui, Mélie, je croyais le voir.

— Il ne va pas tarder.

Je regardai les enfants. Ils étaient hâves.

— Ils sont bien pâles, dis-je.

— Oh ! ils sont beaucoup mieux que du temps de M. Chanteux. Lucas gagne davantage maintenant. Il était tellement injuste, l’autre ! Quand mon pauvre homme a eu cette grippe, il lui en a tenu rigueur. Il ne lui a pas donné un sou ! Avec sept enfants !

— Je sais.

— Mon pauvre homme ne demandait pas la charité, mais un peu de pitié. On le connaît. Il aurait fait du travail en plus, aussitôt qu’il aurait été remis. Heureusement que vous nous êtes venue en aide.

— Ne parlez plus de cela ! Alors, maintenant, cela va mieux ?

— Oui, et surtout il y a de la justice avec le père Jeantic, qui connaît tout son monde. Si j’osais le dire à Mademoiselle, je dirais que la mort de Chanteux est un bonheur.

Je ne répondis pas un mot. Je déposai sur la table un billet pour les enfants et je sortis.

Au bout de quelques mètres, je rencontrai Lucas. Il marchait le front penché, et, quand il me vit, il tressaillit violemment.

— Mamzelle Marane ! murmura-t-il d’une voix rauque.

— Bonjour, Lucas !

Il ne me répondit pas et me regarda avec des yeux hagards.

— Vous êtes venue.

— Mais oui, pour vous dire d’aller aider Jean Le Cuerdec à charger de la paille.

— C’est tout ?

— C’est tout.