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marane la passionnée

ressemble à la vôtre. Ainsi que vous, j’avais offert le meilleur de moi-même. En retour, j’ai cru récolter un peu d’amour, mais je n’ai recueilli que dédain et moquerie. J’étais prêt à donner ma vie pour lui épargner une peine, un souci, mais l’ironie seule accueillait tous mes élans.

M. Descré pencha le front. Je murmurai :

— Tout ce désespoir se désagrégera au contact de cette belle nature. Dieu la déploie si enchanteresse à nos yeux, pour apaiser le tumulte de nos sentiments. Qui pourrait résister à cette magique ensorceleuse ?

— Vous avez peut-être raison. D’ailleurs, je ne veux plus aimer.

Je faillis pousser une exclamation en entendant ces paroles qui brisaient mon rêve.

Je regrettai d’être une dame de compagnie pleine de dignité, sans quoi j’aurais répliqué à la manière de Marane. Mais je m’interdis toute impulsion, et, d’un ton docte, plein d’onction, je conseillai :

— Ne prenez pas de résolution à la légère. Le cœur humain est une bête compliquée.

Mes paroles amenèrent un sourire sur le visage de mon interlocuteur. Je poursuivis avec une onction plus persuasive :

— Un jour vous serez surpris d’entendre ce cœur battre pour une autre femme, la vraie, celle qui vous rendra heureux, et vous direz : « Mais je ne savais pas ce qu’était l’amour avant de connaître cette si parfaite compagne ! »

Le visage de M. Descré s’épanouit complètement et je me rengorgeai. Il me semblait que j’avais d’autant mieux parlé que je défendais ma propre cause, et j’estimai que ce qualificatif de « parfaite » convenait fort bien au diplomate que je me révélais.

J’entendis une réponse qui me plut :

— Je ne sais quel baume étrange vous donnez à vos phrases, mais elles sont apaisantes. Est-ce peut-être votre conviction qui les souligne ; mais je devine en vous du cœur, de l’esprit et un certain humour.

Oh ! oh ! c’était bien là un franc succès !

La réalité justifiait mes pressentiments. Je marchais à grandes enjambées vers la conquête de mon futur époux.