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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/178

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marane la passionnée

Je cinglai l’air de ma cravache et je lançai d’un accent hautain, méprisant :

— C’est tout ?

M. Descré me regarda, surpris. Il ne me répondit pas, trouvant sans doute que mon ton était singulièrement impertinent.

Je répétai en le bravant :

— C’est tout ?

Mes yeux devaient flamboyer sous mes verres jaunes.

Je criai :

— Quelle honte pour ceux qui ont sali une jeune fille aussi pure, aussi foncièrement scrupuleuse que Mlle de Caye ! Je suis contente que vous m’ayez posé ces questions sur elle, Monsieur, parce que je puis vous affirmer sur l’honneur que tout est faux ! Certes, Mlle de Caye n’est pas banale, peut-être peu soucieuse de l’opinion, mais sa droiture est indéniable.

— Je ne demande qu’à le croire, bien que les femmes soient souvent fourbes et rusées.

— Vous avez souffert par une femme, criai-je avec plus de force, et vous vous figurez que toutes ont le caractère de la vôtre. Heureusement, il existe beaucoup de femmes loyales.

— Vous, oui, Mademoiselle ! interrompit M. Descré.

— Moi…, oui ! et Mlle de Caye.

— Vous la défendez avec chaleur !

— C’est ma meilleure amie.

— Dites-moi alors quelles sont ses qualités et pourquoi on ne la voit pas se promener avec vous ?

Je luttais avec mon indignation. J’aurais voulu tout de suite me défendre, mais j’hésitais à arracher mes lunettes.

Une prudence instinctive me conseilla d’atermoyer. Je ne voulais pas aller trop vite. Dès que M. Descré saurait qui j’étais, je le prévoyais, il se confondrait en excuses et en compliments. Il serait peut-être plus ou moins flatteur, et, pour toute la vie, j’aurais un doute sur sa sincérité.

Je retins l’impétuosité qui m’aurait jetée dans le drame et je répondis en un terrible effort :

— Le récit serait peut-être un peu long pour le temps qui me reste ce soir. Un autre jour, je vous parlerai d’elle. Je me suis trop attardée ; il faut que je me sauve.