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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/187

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marane la passionnée

— Marane ?

— Mais oui, Marane.

— Quel nom bizarre !

Je ne répondis pas. Mon nom me plaisait. Je repris :

— Marane de Caye est une jeune fille qui peut sembler étrange, parce qu’elle a l’horreur des conventions niaises qui entravent toute initiative. Elle peut ne pas paraître bonne, parce qu’elle ne divulgue pas ses charités. Quant à épouser un valet de ferme, elle n’aurait jamais songé à un acte semblable, car elle a trop le respect du nom de son père. Elle n’est nullement vulgaire, mais elle ne s’embarrasse pas d’usages mondains. Élevée à la campagne, elle considère les gens selon la valeur de leurs âmes. Malheureusement pour elle, le régisseur des propriétés était un homme trop ambitieux.

— Ah ! oui, le dénommé Chanteux !

— Vous avez entendu parler de lui ?

— J’ai su qu’on l’avait retrouvé frappé de congestion au bord d’une pièce d’eau.

— C’est exact. La mort de cet homme a été providentielle, parce qu’il ruinait la famille de son défunt maître.

— Il ne paraissait pas aimé. C’est le sentiment qui me semblait animer l’ouvrier qui m’en a parlé.

— Il ne faisait rien pour l’être. Il terrorisait Mme de Caye, qui ne savait comment sortir des griffes de ce monstre.

— Oui, c’est ce que j’en ai déduit !

M. Descré était pensif. Sans doute réfléchissait-il à la vie précaire de ces deux femmes seules à la merci d’un homme avide.

Je poursuivis :

— Vous comprenez combien il était facile pour cet homme sans scrupules, de tendre à Mlle de Caye les pièges les plus grossiers. Quand cette jeune fille inexpérimentée s’enthousiasmait pour un idéal, il dénaturait le sentiment qui la poussait. C’est si simple pour un homme de répandre la calomnie.

J’eus une pause, durant laquelle M. Descré dit :

— Mais cette jeune fille s’est réellement sauvée d’un couvent ?

— Ce n’était pas un couvent. Elle était allée chez une