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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/198

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marane la passionnée

Elle vint près de moi et regarda s’avancer celui que j’avais nommé.

Je murmurai :

— Il vient savoir si je ne suis pas tuée. Qu’il est bon !

Je ne pus m’empêcher de courir au-devant de lui, malgré le mouvement qu’esquissa maman pour me retenir.

Quand je fus en face de M. de Nadière, il s’arrêta comme s’il était ébloui, car il clignait des yeux. Il murmura d’une voix que je ne reconnaissais pas :

— C’est vous… Marane.

Je compris alors, dans un bonheur parfait qui envahit mon cœur, sans un recoin obscur, qu’il me trouvait belle et qu’il m’aimait déjà.

Ô joie ! Je lui tendis la main et ce geste était pour moi comme un don que je lui accordais. Il la serra doucement avec une expression triste qui m’étonna.

Maman était sur les marches du perron et nous regardait. M. de Nadière en monta les degrés et s’inclina devant elle.

— Madame, je me permets de me présenter à vous, comme voisin et comme… allié. Ma femme était, ainsi que me l’a appris Mademoiselle votre fille, de votre parenté.

— En effet, Monsieur.

— Ma mère m’aurait accompagné si elle eût été là, mais son absence sera un peu longue, et je n’ai pas voulu différer le plaisir de vous apporter mes hommages. Je voulais savoir également si Mademoiselle votre fille n’avait pas eu d’accident hier en dévalant le sentier avec une vitesse que j’ai jugée imprudente.

Alors que je riais, maman disait :

— Ma fille est une casse-cou.

Je voyais qu’elle était fort satisfaite que M. de Nadière parlât de notre rencontre.

— Entrez donc, Monsieur.

Renaud la suivit dans le grand salon, et moi, derrière eux, je dansais un pas inédit dans un bonheur fou.

Dans le fauteuil que maman lui désigna, M. de Nadière décrivit les beautés du pays. Je le contemplais avec enthousiasme et je fis chorus avec lui, durant qu’il détaillait les curiosités des sites que je connaissais si bien.

Il parla non sans gaîté de sa stupéfaction en voyant Rasco