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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/200

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marane la passionnée

— Vous ne vous remarierez pas ? Vous le savez ! Il faut que vous deveniez heureux.

— Marane, ne dis pas un mot non plus ! m’ordonna maman avec force.

— Je défends mon bonheur ! répliquai-je, sans savoir ce que je disais.

Ma détresse devait être attendrissante.

— Monsieur, veuillez l’excuser, prononça ma mère avec autant de dignité que d’humiliation.

Sa fille lui causait d’embarrassants soucis.

M. de Nadière murmura :

— Oh ! Madame, Mlle Marane m’enchante et me bouleverse.

Sa voix était rauque comme si elle roulait des sanglots. Je sentais plus que jamais que j’étais créée pour le consoler. Toute cette scène était venue magiquement.

Je criai avec emportement :

— Pourquoi ne voulez-vous pas vous marier ?

— Je ne le puis, articula-t-il.

Je crus que je m’évanouissais. Je me ressaisis en un effort violent :

— Pourquoi ?

M. de Nadière hésita, puis il dit :

— Je crois être cause de la mort de ma femme.

— Oh ! cria maman.

Elle me regarda en frissonnant. J’étais calme, mais un feu cuisant brûlait mes joies.

— Racontez ! demandai-je à Renaud.

— Voici. Jeanne était de caractère compliqué, ensorcelante, cruelle, avec des éclairs de repentir, des railleries, des ironies, qui vous martyrisaient.

— Je les revis ! murmurai-je.

— J’ai pâti horriblement de ces sautes d’humeur, si contraires à ma façon d’être. Je ne rêvais que calme et bonheur. J’étais un esclave torturé. Un jour, je partis en voyage. Jeanne m’écrivit une lettre où ses regrets s’exhalaient. Je m’étais laissé prendre tant de fois que je me refusai à croire au sérieux de ces nouveaux serments. Je continuai le voyage que j’effectuais. À mon retour, Jeanne était morte. Elle avait dansé, était partie pour une croisière, me laissant une lettre injurieuse. Avait-elle voulu secouer son ennui et