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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/205

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marane la passionnée

Pendant une minute, je ne pensai plus à Renaud, mais seulement au paysage, aux arbres, aux oiseaux, au ciel si bleu. La mer, au loin, ronronnait.

Je me retournai vers Renaud et je prononçai des paroles banales :

— C’est beau… L’heure est ensorcelante… Vivre dans un cadre simple dans sa grandeur, vivre seulement en face de la nature, équivaut au plus grand bonheur que l’on puisse désirer.

Et Renaud me répondit :

— Oui. mais il faut un cœur à côté de soi qui vous comprenne.

Je penchai la tête dans une joie inoubliable, parce que c’étaient bien les mots que je voulais entendre.

Ensuite, je regardai Renaud, et j’étais sûre que mes yeux scintillaient.

Il murmura de nouveau :

— Marane, voulez-vous comprendre mon cœur ?

Il me prit la main et la baisa.

À ma grande surprise, je fus incapable de riposter. L’émotion nouait ma gorge. Je voulais parler, mais ne le pouvais.

La crainte qui passa dans ses yeux me rendit la voix et je criai :

— Ah ! Renaud ! c’est le plus clair jour de ma vie !

Nos mains s’enlacèrent spontanément et nous descendîmes les marches du perron d’un même pas.

À cet instant, maman survint et nous appela.

Sans dénouer nos mains, nous nous retournâmes. Sans doute, nos visages parlèrent-ils pour nous, parce que maman dit :

— Je suis certaine, Monsieur, que vous avez quelque chose à me demander ?

— Oui, Madame, j’ai l’honneur de solliciter la main de Mademoiselle votre fille.


— Rasco ! Sidra ! venez, bons chiens !

Pourquoi, pour la première fois de leur vie, mes chiens ne prirent-ils pas mes nattes ?

Ils regardaient celui qui allait devenir mon seigneur et maître, et ils jugeaient, dans leur bon sens, qu’ils n’avaient, eux, plus besoin de me garder.


fin