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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/32

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marane la passionnée

— Quand je cours dans le vent, je me sens heureuse, je communie avec les éléments, je m’incorpore à la tempête, je suis enchantée de la lune, je parle au soleil comme à un ami. Je connais tous les oiseaux, tous les nids des alentours.

« Mais, continuai-je en me tournant vers Jeanne, il me manquait une amie. Je pense que ce doit être fort doux de faire partager ses sentiments à une compagne, de lui confier ses pensées, ses soucis et ses rêves…

— Tu as donc des soucis ? questionna Emma.

— Certainement ! Qui n’en a pas, d’ailleurs ?

— Mais tu as la nature, des chiens, le soleil, la lune.

— Cela ne me suffit plus !

— Eh ! Eh ! Voyez cela ! railla Clotilde.

— Tu n’as donc pas un pauvre petit cousin, riposta Emma en souriant.

— Un cousin, non, ripostai-je, mais j’ai un frère, vous le savez.

Un éclat de rire accueillit ma réponse.

— Que signifie votre rire ? questionnai-je en frappant du pied.

— Comment ! tu ne vois pas la différence entre un frère et un cousin ?

— Non, ripostai-je avec la plus parfaite candeur.

— Eh bien ! expliqua Emma, un cousin est un jeune homme avec qui on apprend à flirter.

— Flirter ?

Je ne connaissais pas le langage des salons, ni celui des jeunes filles. Cependant, dans mes lectures, j’avais lu ce mot sans bien savoir ce qu’il signifiait. Je demandai :

— Vous voulez parler de l’amour ?

Je me sentis rougir en prononçant ce mot. Une fusée de rires accueillit ma question.

— Comme tu es savante ! s’exclama Clotilde. Je continuai très dignement :

— Eh bien ! non, je n’ai jamais trouvé personne avec qui jouer à l’amour.

Des exclamations jaillirent des lèvres de mes cousines et de leur mère… Cette dernière se leva de son fauteuil et sortit de la pièce.