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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/34

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marane la passionnée

à me marier. Je me trouve trop jeune pour m’occuper de ces choses. Je ne flirterai pas non plus, parce que je juge cela inconvenant et pour moi et pour mon futur mari. Puis, laisser croire à quelqu’un qu’on l’aime, et ne pas l’épouser, ce serait mal.

— Bravo, Marane ! s’écria Jeanne, comme tu as raison !

— Oh ! toi… commença Clotilde.

Mais elle n’en dit pas plus long. Je ne prêtai nulle attention à ce début de phrase parce que j’étais trop heureuse de l’approbation de Jeanne.

— Ce que je désire, poursuivis-je, c’est une amie, cela seul manque à mon cœur.

Et je regardai Jeanne. Je la trouvais jolie avec ses grands yeux noirs et son expression suave.

Quelques moments après, nous fûmes seules et je pus lui dire :

— Que j’aimerais une amie comme toi !

Une expression affectueuse recouvrit le visage de Jeanne et elle murmura :

— Tu ne me connais pas encore beaucoup.

— Oh ! il me semble que je te connais depuis toujours ! Veux-tu que je sois ton amie ?

— Je ne demande pas mieux !

Ainsi notre doux pacte fut scellé.

Combien je fus heureuse ce jour-là ! Je ne pus échanger d’autres paroles en tête-en-tête avec Jeanne, mais je possédais une joie qui me transportait. Un feu bienfaisant coulait dans mes veines. Des sensations de sécurité, d’appui, pénétraient mon âme et je me sentais une autre personne.

Je rêvais d’emmener Jeanne au manoir afin de lui montrer mes trésors, qui consistaient en des découvertes toujours nouvelles de la nature.

Les murs resserrés, l’absence de soleil, les corvées mondaines, tout disparaissait pour laisser la place à l’aurore qui se levait en moi.

Je contemplais parfois Jeanne. J’aimais son expression si suave et je me sentais prête, pour elle, à des dévouements obscurs.

J’écrivis à ma mère que je possédais enfin une amie.