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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/65

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marane la passionnée

et bien élevé. Il faut que la jeunesse se réunisse et vous faites une bonne action en ne vous montrant pas fière. Vous ressemblez à M. le comte, votre père.

Le ton du régisseur était sérieux, et qu’il me rappelât mon père de cette manière, me fit un bien sans pareil.

Je ne trouvais pas ses yeux bien francs, mais je tombai dans son piège et je répondis :

— Je suis bien contente de ce que vous me dites.

— Tant mieux !

Il eut un ricanement et me quitta.

Je fus reprise de ma méfiance, mais j’oubliai vite cet incident, satisfaite seulement de l’approbation du régisseur.

Je rentrai rapidement à la maison. Je voulais étudier le chant, ce que je fis.

Je tenais beaucoup à chanter à la messe le dimanche suivant. Je voulais que Jean-Marie entendît ma voix. C’était mon désir puéril, plein de vanité, mais je ne pouvais m’en détacher.

J’étudiai avec frénésie. Puis, le samedi, je m’en allai au village, afin de me concerter avec M. le curé pour placer mon morceau et le répéter avec l’organiste.

Je fus bien accueillie à la cure par la vieille servante :

M. le curé lit son bréviaire dans sa chambre, et je vais l’appeler.

Quelques minutes après, je fus en sa présence. Son visage était grave comme de coutume, mais il me semblait qu’une touche un peu plus sévère l’assombrissait.

Il écouta ma requête et m’autorisa à chanter, puis il me dit :

— Il y a longtemps que je ne vous ai pas vue, en dehors de la messe, Marane. J’ai appris que vous aviez fait un séjour chez Mmes de Jilique, mais que vous étiez partie de chez elles, sans les prévenir.

Je criai comme une enfant :

— Je ne le ferai plus !

Le bon prêtre sourit en me disant :

— Je l’espère bien.

Je lui racontai ma déception. Il m’écouta non sans émotion et murmura :