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Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/67

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marane la passionnée

— Allez donc vous promener tous les deux.

Jean-Marie regarda sa mère, mais je ne compris pas le reproche qu’exprimaient ses yeux.

Nous sortîmes.

— Si nous allions sur la côte ?

— Il y a beaucoup de vent.

— Tu as peur du vent, aujourd’hui ?

— Oh ! non ; mais vous pourriez être emportée.

— Ne crains rien pour moi.

J’étais entre Rasco et Sidra, et ils me protégeaient contre tout danger. Nous courûmes comme de jeunes poulains. Ah ! que j’étais joyeuse !

Je ne pensais nullement qu’une jeune fille devait s’occuper sagement près de sa mère. Je me sentais une fillette. De temps à autre seulement j’éprouvais un grand regret en me souvenant de l’amie que j’avais perdue. Il me semblait que j’avais été vieille et que c’était passé.

La mer se découvrit à nos yeux. Elle était moutonneuse.

— Il y aura de la tempête, annonça Jean-Marie.

— C’est l’époque, répondis-je avec insouciance.

Le spectacle m’empoigna encore une fois. Tout mon être vibra devant cette immensité. Je m’élevai au-dessus de toutes les contingences. Mon âme éprouvait des besoins de dévouement. J’aurais voulu sauver une vie, m’associer à une bonne œuvre.

Je regardai Jean-Marie. Il paraissait préoccupé.

— Asseyons-nous, dis-je.

Il resta debout.

— Pourquoi ne t’assieds-tu pas ?

— La roche est trop étroite.

— Tu n’es pas si gros, raillai-je.

Je m’écartai davantage pour qu’il eût une place. Il osait à peine la prendre.

— Tu vois comme c’est beau ! Regarde l’horizon. Ne sens-tu pas tes forces se décupler ? Moi, il me semble que cela m’insuffle de la bonté. Je voudrais secourir tous les misérables. Ah ! je me sens l’égale des plus grands comme des plus humbles. Il n’existe plus de barrières ; il n’y a plus qu’un père, Dieu, de qui nous sommes les enfants.