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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/100

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vînt les délivrer. Des échelles étaient apportées et attachées l’une au bout de l’autre. Tandis que les sauveteurs s’empressaient de prendre entre leurs bras des femmes et des enfants affolés et poussant des cris lamentables, quelques-uns déménageaient des meubles et des objets précieux.

On eut à déplorer la mort de six personnes, parmi lesquelles plusieurs employés de la maison Fontaine, MM. Dautresme, Rendu, Balle, dont les corps avaient été projetés au milieu de la place Sorbonne et brisés sur le pavé. Une fille, mademoiselle Biot, fut brûlée vivante : on lui arracha ses vêtements tout en flammes : elle perdait connaissance à 9 heures du soir, et le lendemain elle rendait le dernier soupir. Le cadavre carbonisé du fils de M. Fontaine fut retrouvé, le lendemain, dans les décombres.

Les mauvais résultats qu’ont donnés le fulmi-coton et le picrate de potasse n’ont pas détourné les hommes de l’art de l’étude des explosifs. On a seulement cherché à se mieux rendre compte des causes de leur décomposition, pour y porter remède, sans renoncer à des produits dont l’utilité est de toute évidence pour les usages industriels, si l’on parvient à en écarter les dangers.

Nos ingénieurs et nos officiers ont été amenés, de cette manière, à découvrir des faits qui ont beaucoup éclairé la question de l’utilisation des explosifs.

C’est ainsi que l’on a reconnu que certains explosifs, qui ne détoneraient pas par eux-mêmes, détonent lorsque, dans leur voisinage, un autre corps vient à faire explosion.

M. Abel, directeur du laboratoire de chimie de Woolwich (Angleterre), fit l’expérience suivante, aujourd’hui classique. Il plaça à chacune des deux extrémités d’un tube métallique une cartouche de dynamite ; en faisant détoner l’une des cartouches, il détermina aussitôt l’explosion de l’autre. Cependant les deux cartouches ne se touchaient pas, elles étaient même séparées par une longue colonne d’air. À quelle cause faut-il attribuer l’explosion de la deuxième cartouche ? Ce n’est pas aux gaz produits par la détonation de la première cartouche, puisqu’en plaçant des flocons d’ouate au milieu du tube, on empêche la transmission de l’explosion. Quel est donc le rôle que jouent ces flocons d’ouate ? Ils font obstacle à la transmission des vibrations.

Ce phénomène est désigné aujourd’hui sous le nom d’explosion par influence. Ce principe a été mis à profit de nos jours. On détermine, à distance, l’explosion de matières explosibles, en faisant détoner une autre matière dans leur voisinage.

Le même principe de l’explosion par influence explique les dangers dont s’accompagne la manipulation des matières explosives. Que, dans un atelier, une parcelle de fulminate fasse explosion, et tout le fulminate contenu dans la même chambre détonera ; le fulminate enfermé dans les chambres contiguës fera même également explosion, parce que la vibration sera transmise par les parois des murailles.

Un autre principe qui a été découvert de nos jours, c’est que certains explosifs qui détonent par le choc ne détonent nullement par la chaleur.

Ce fait a été reconnu à la suite d’expériences auxquelles donna lieu un accident désastreux, arrivé à Paris, le 14 mai 1878, où une maison fut renversée et un quartier ébranlé, par l’explosion de matières contenant du fulminate de mercure.

La maison portant le numéro 22 de la rue Béranger, située entre le passage Vendôme et le magasin de nouveautés du Pauvre Jacques, contenait un magasin d’articles de ménage et jouets d’enfants, appartenant à M. Blanchon. Dans le nombre des jouets étaient compris, pour une large part, des pistolets et de petits canons, qui détonaient