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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/236

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1m,16, et qui pesait 20 000 kilogrammes. Le problème de la fabrication de grosses masses d’acier était définitivement résolu. Ce n’était qu’en 1856, que Krupp avait commencé de fabriquer des canons en acier, et en 1862 il en avait déjà livré plus d’un millier à l’armée prussienne.

À cette époque, huit cents ouvriers étaient employés dans les ateliers de l’usine Krupp ; cette usine ne comportait alors que douze machines à vapeur.

Aujourd’hui, le voyageur qui, après avoir dépassé Düsseldorf et traversé des landes et des bois, s’arrête à la gare d’Essen, aperçoit sur sa gauche la vieille ville, amas pittoresque de cinq à six cents maisons, et sur sa droite une cité toute noire, enveloppée, jour et nuit, d’un nuage de fumée. C’est la cité nouvelle, et pas un seul de ses habitants n’est étranger à l’industrie métallurgique. L’usine possède 13 hauts-fourneaux, 1 618 fourneaux ordinaires, 461 chaudières, 91 marteaux-pilons et 482 machines à vapeur, qui développent une force totale de 210 000 chevaux. Il y a là un marteau qui tombe d’une hauteur de 50 mètres et qui frappe avec une violence de mille quintaux.

Quand l’empereur Guillaume Ier visita l’usine d’Essen, on lui présenta l’ouvrier qui maniait ce marteau avec une telle dextérité qu’il l’arrêtait à tel ou tel point de sa course. L’empereur plaça sous le marteau une montre, garnie de brillants, et donna l’ordre à l’ouvrier d’abaisser l’énorme marteau. L’ouvrier hésitait : « Allons, Fritz, s’écria Guillaume Ier, tape dessus ! » Et, à 5 ou 6 centimètres au-dessus de la montre, le marteau faisait halte. Inutile d’ajouter que le souverain fit cadeau de cette montre à l’habile ouvrier. M. Krupp, de son côté, fit graver sur le marteau l’inscription, désormais historique : « Allons, Fritz, tape dessus ! »

Vingt-trois mille ouvriers sont employés dans les ateliers Krupp. Leurs familles occupent les maisons de la ville ; on a créé, pour leur alimentation et leur habillement, seize sociétés coopératives, et M. Krupp a fait construire quatre écoles. Chaque année, l’usine travaille environ 300 millions de kilogrammes d’acier ou de fonte ; elle dispose de voies ferrées, dans l’intérieur même de l’usine ou dans ses polygones, dont la longueur totale n’est pas inférieure à 60 kilomètres, et sur lesquelles circulent constamment 40 locomotives et 910 wagons.

L’artillerie anglaise se compose, comme la nôtre, de pièces de campagne et de montagne et d’obusiers. Les types de ces pièces sont les mêmes que les nôtres. On est seulement frappé des dimensions que nos voisins donnent à certaines de leurs bouches à feu.

Les Italiens dépassent encore les Anglais par l’incroyable dimension qu’ils donnent à leurs pièces de siège et de défense des ports et des côtes. Tout le monde connaît le fameux canon de 100 tonnes qui a eu des mésaventures si nombreuses. Nous parlerons de ces dernières bouches à feu dans la notice que nous consacrerons plus loin aux Bâtiments cuirassés.

Pour terminer cette description de l’artillerie contemporaine, citons les chiffres de l’État-major militaire, chez les principales nations européennes. Ces chiffres ont leur éloquence, mais ils méritent aussi d’être convenablement interprétés.

L’Allemagne compte 37 régiments d’artillerie, dont 2 de la garde, soit au total 312 batteries, dont 50 à cheval. Toutes les batteries montées attellent des canons de 90 ; les batteries à cheval attellent des canons de 80. Sur pied de guerre, chaque batterie a 6 pièces, 8 caissons, 3 chariots de batterie et 1 forge. La Landwehr fournit 200 batteries. En outre, l’artillerie à pied,