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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/299

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chargement. Qu’un obus ennemi vienne à éclater près de la culasse de ce canon, et qu’il brise un seul des mécanismes, si compliqués, qui font partir le coup, voilà ce canon monstre momentanément hors de service, et cela juste au moment où son intervention devrait décider de l’issue du combat naval engagé !

La vitesse des bâtiments cuirassés s’est trouvée sensiblement réduite par le continuel accroissement de poids des revêtements métalliques. La limite qu’il était possible d’atteindre est aujourd’hui réalisée, et augmenter encore l’épaisseur des cuirasses serait se préparer des déceptions qu’il faut savoir prévoir et éviter.

Le journal le Yacht, du mois de janvier 1890, exprimait cette vérité d’une manière très frappante. Nous n’avons qu’à transcrire ici ses judicieuses remarques.

« En ce qui concerne les cuirassés, dit le Yacht, le problème de la vitesse se pose dans des termes qui ne laissent que peu de place aux hypothèses.

« On est généralement d’accord, en France, pour reconnaître que le maximum de déplacement d’un cuirassé ne doit pas dépasser 10 000 à 11 000 tonnes avec une longueur de 100 à 105 mètres et un tirant d’eau moyen de 8 mètres. Étant donné le poids de la coque, celui de la cuirasse à la flottaison et dans les hauts, le poids de l’artillerie et des approvisionnements de toute nature, il est facile de déterminer le poids disponible pour la machine et les approvisionnements en charbon et eau qui lui sont nécessaires. Dans ces conditions, la vitesse de quinze nœuds en service pourra être obtenue, sous la réserve, bien entendu, d’avoir une machine robuste, sans exagération de poids cependant, et d’un système perfectionné, c’est-à-dire à triple ou quadruple expansion. On peut espérer qu’un cuirassé de ce genre naviguera dix à douze jours à bonne allure sans avoir besoin de renouveler ses approvisionnements.

« Vouloir sortir de ces limites, c’est s’exposer à des déboires presque certains ; car on ne peut accroître la vitesse sans augmenter le poids de la machine et aussi la quantité de charbon consommé par suite les dimensions du navire, ce que réprouvent nos marins. On pourrait en déduire, non sans raison, que le cuirassé est, somme toute, un médiocre engin de combat, il coûte environ 22 millions et ne rendra jamais de services en rapport avec la dépense.

« Nous sommes, au reste, peut-être à la veille d’une transformation de ce type de navire de guerre. Il a été constaté que les plaques de cuirasse de 55 centimètres ne résistaient pas aux projectiles lancés avec les nouvelles poudres, par des canons de 32 centimètres. À quoi bon, dès lors, exagérer un cuirassement dont le poids est devenu excessif ? Est-ce pour entrer dans une voie nouvelle qu’on réduit la cuirasse du Hoche et du Brennus actuellement en construction ? Elle aura, pour le premier, de 45 à 35 centimètres à la flottaison et pour le second, uniformément 40 centimètres.

« Dans quelques années, on se contentera, en fait de cuirasse, d’une protection partielle de la machine, nous l’espérons du moins. On aura alors un type de navire qui, outre l’avantage de coûter moitié moins, présentera des qualités compensant largement l’absence d’une protection illusoire ; puis les conditions de poids étant modifiées, on atteindra sans peine des vitesses normales supérieures à dix-huit nœuds. »

Ces réserves posées, nous nous hâtons de revenir à la description de notre artillerie de marine, et de la faire connaître, non pas telle qu’elle pourrait être, mais telle qu’elle est ; car c’est avec cette artillerie que nos cuirassés auront à attaquer les bâtiments ennemis, ou à rendre coup pour coup à leurs adversaires.

Nous avons donné plus haut les dimensions des divers types de canons de notre marine. Il est à peine nécessaire d’ajouter que toutes les bouches à feu qui arment nos vaisseaux se chargent par la culasse.

Les bouches à feu de nouveaux modèles sont composées d’un corps en acier, d’un tube intérieur en acier, et d’un ou deux rangs de frettes, également en acier.

La marine française usine elle-même ses canons, dans la fonderie de Ruelle. Après qu’ils ont été définitivement usinés, ils sont essayés au polygone de Gavre, près de Lorient.

Les poudres employées pour lancer les obus sont les poudres belges de Wetteren, les poudres françaises de Sevran-Livry, d’Angoulême et du Bouchet.

Les projectiles comprennent des boulets