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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/326

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de cuirassés et de croiseurs, ainsi que les moyens de défense de nos ports, de nos cours d’eau, et des ouvrages fortifiés qui doivent mettre nos côtes à l’abri d’un débarquement ennemi. Ce n’est plus seulement contre les formidables projectiles des canons de 100 tonnes que les navires cuirassés et les croiseurs ont à se défendre, mais aussi contre un adversaire bien autrement dangereux : le torpilleur.

Le torpilleur est un bateau, de dimensions restreintes, qui porte un agent de destruction d’une puissance effroyable, la torpille, et qui vient l’attacher aux flancs d’un navire ennemi. Si la tentative réussit, la torpille éclate, et pratique une énorme brèche dans les flancs du bâtiment, qui coule presque aussitôt.

C’est en 1864, pendant la guerre de la Sécession américaine, que ce redoutable engin fit sa première apparition. Le 17 février, la corvette fédérale le Housatenic était à l’ancre au large de Charlestown. Il faisait nuit quand, vers 9 heures du soir, l’officier de quart aperçut, dit-il, « quelque chose qui se mouvait dans l’eau » et qui se rapprochait du navire. On eût dit une planche glissant sur la mer. En réalité, c’était un très petit bateau plat, commandé par un lieutenant, et monté par six marins. En deux minutes, ce bateau se trouva près du bord de la corvette. Le capitaine du Housatenic ordonna de faire machine en arrière, et appela l’équipage aux postes de combat. Mais, inutiles mesures ! Une explosion terrible éclate brusquement, le navire s’enfonçant par l’arrière s’incline sur bâbord, et coule à fond.

Le temps était beau, la mer calme ; presque tous les hommes de l’équipage furent recueillis, sains et saufs, par les embarcations d’un autre navire fédéral. Quant au lieutenant Dixon, qui commandait l’embarcation, il fut englouti, avec ses compagnons.

Le même genre d’attaque continua contre les vaisseaux de l’Union.

Le 6 mars 1864, le steamer Memphis était en station sur le North Edisto River, quand les matelots aperçurent, à 60 mètres seulement, un petit bateau arrivant sur eux à toute vitesse. On retira immédiatement les ancres, et on se mit à fuir, pendant que les hommes de quart concentraient sur l’assaillant un violent feu de mousqueterie. Heureusement, le mécanisme du bateau torpilleur s’étant dérangé, celui-ci dut battre en retraite.

Le 9 avril 1864, la frégate Minnesota, de l’escadre des confédérés faisant le blocus de l’Atlantique du Nord, était mouillée à la hauteur du Newport News, au milieu de navires de guerre, de cuirassés, et d’avisos de transport, lorsque l’officier de quart aperçut, à 250 mètres de distance, un corps sombre, qui s’avançait lentement. L’officier de quart héla l’embarcation, mais comme elle ne répondait pas, il s’apprêtait à faire feu, quand, tout à coup, une explosion terrible se produisit. La torpille avait touché la frégate ; celle-ci ne coula point, mais ses avaries furent considérables.

Dix jours après, la frégate Wabash, de l’escadre du blocus de Charlestown, se vit, à son tour, attaquée par un torpilleur. Elle se hâta de couper ses amarres, et prit le large, tout en lâchant une bordée de mousqueterie, dans la direction supposée de son chétif assaillant.

Le torpilleur put rentrer sain et sauf à Charlestown. Mais, on le voit, une frégate de guerre, armée de canons formidables, portant 700 hommes d’équipage, avait dû fuir devant quatre aventuriers dirigeant une frêle embarcation, du port d’un tonneau, dont tout l’armement consistait en quelques livres de poudre accrochées au bout d’un espar !

De semblables faits ne pouvaient être accueillis avec indifférence. Le gouverne-