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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/351

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Le lieutenant Dubasoff a donne de cette expédition hardie le récit complet, dans un rapport, que nous reproduirons, pour faire connaître exactement le genre de tactique qui nous occupe.

« J’avais, dit, le lieutenant Dubasoff, donné les instructions suivantes :

En entrant dans le bras de Matchin, les quatre embarcations placées sous mes ordres se formeront en ligne de file ; le Cesarewitch en tête ; puis, la Xenia ; puis le Djigit ; enfin, la Cesarewna. La flottille glissera ainsi le long de la rive du Danube et ralentira sa marche lorsqu’elle arrivera en vue de l’ennemi. Alors, elle se dirigera vers le milieu du fleuve sur deux lignes, le Cesarewitch et la Xenia en tête. Du moment de l’entrée dans le bras de Matchin jusqu’à celui de l’attaque, la vitesse sera diminuée à l’effet d’atténuer, le plus possible, le bruit du sillage et des machines ; elle sera notablement accrue lorsqu’on approchera de l’ennemi

J’attaquerai, suivi de près par Shestakoff ; Persine se tiendra prêt à nous porter, en cas de besoin, secours ; Bail restera en réserve.

Si le premier navire attaqué par moi est détruit, Shestakoff se portera sur le deuxième navire ; Persine appuiera cette attaque ; Bail se tiendra prêt à les secourir ; moi-même, je demeurerai en réserve.

Enfin, si cette deuxième attaque est également courronnée de succès, Persine attaquera le troisième navire ; Bail appuiera ; je me tiendrai prêt à les soutenir et Shestahoff formera réserve.

« La nuit était voilée de nuages, mais non absolument obscure, à raison d’un bel effet de clair de lune. Il soufflait, du nord-ouest, une jolie brise qui portait à l’ennemi des nouvelles de notre marche. Néanmoins, à l’exception du Cesarewitch, la flottille s’avança sans bruit…

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«… J’ordonnai à Shestakofî de me suivre et je me dirigeai sur le monitor le plus voisin, lequel se trouvait à la distance d’environ 130 mètres.

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« Malgré le bruit de notre marche, nous ne fûmes hélés par les factionnaires qu’après avoir parcouru la moitié de cette distance. Je fis une réponse que je croyais régulière… mais j’ai su, depuis lors, qu’elle ne l’était point ; que mon erreur avait, à l’instant, donné l’éveil à nos adversaires. Les servants des pièces d’artillerie, qui couchaient sur le pont, furent debout au premier coup de fusil du factionnaire.    .    .    .    .     .    .    .    .     .    .    .

« Le monitor que je visais était sous vapeur ; ses canons de l’arrière pouvaient nous faire le plus grand mal. En conséquence, je résolus de l’attaquer par l’arrière pour lui détruire ses moyens de propulsion.

« Mes prévisions se réalisèrent.

« À notre approche, une pièce ouvrit le feu. Trois projectiles nous furent envoyés sans aucun effet et, avant que le quatrième coup pût être tiré, j’étais sur le navire à bâbord. Je le frappai de mon espar entre le centre et l’arrière, un peu en avant de l’étambot… L’eau se souleva sur les flancs du monitor et couvrit mon embarcation.

« Quelques débris furent projetés à près de quarante mètres de hauteur. La nature de ceux qui tombèrent sur le Cesarewitch nous permit d’estimer que l’explosion produite avait étendu ses effets jusqu’au pont du navire…

L’équipage du monitor, dont l’arrière se submergeait à vue d’œil, dut se réfugier à l’avant…

« Pour assurer le salut de mes hommes, je fis jouer la pompe à vapeur, à l’effet de rejeter l’eau, qui avait envahi mon embarcation…

« À ce moment, le monitor, à demi submergé, rouvrait son feu. J’ordonnai, à Shestakofî de lui porter un second coup. Cet officier, marchant rapidement à l’ennemi, vint le frapper un peu en arrière de la tourelle, juste à l’instant où celle-ci nous envoyait son deuxième projectile. Il l’atteignit sous la quille, à six mètres environ de l’étrave…

« Comme la première fois, l’effet de l’explosion fut terrible, ainsi qu’on put en juger à l’examen des débris de mobilier des cabines qui, projetés haut en l’air, retombèrent sur la Xenia

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« Alors, n’ayant plus de coups de canon à tirer, les braves gens de l’équipage du monitor prirent leurs fusils, et nous envoyèrent une grêle de balles…

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« Shestakofî et moi, nous ne nous dégagions pas aussi rapidement que nous l’eussions voulu. L’hélice de la Xenia était prise dans les débris du monitor ; mon embarcation était tellement pleine d’eau, et ma pompe à vapeur si bien hors de service que je dus employer tous mes hommes à la manœuvre des seaux…

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« Pendant ce temps, Skestakoff dirigeait contre l’adversaire un feu nourri de mousqueterie…

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« Les deux navires, qui accompagnaient le navire attaqué, ne cessèrent de tirer sur nous, au cours de notre opération. »

En dix minutes, le monitor Douba-Seïfi avait coulé.

Le jour allait se lever : le lieutenant Dubasoff ordonna la retraite, malgré la résistance des commandants du Djigit et de la