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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/476

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digieusement élevée, qui accélérerait singulièrement la combustion des toiles. Qu’un coup de vent vienne pousser un lambeau de draperie contre un des becs d’une herse, aussitôt tout s’enflamme. C’est ce qui arriva au théâtre de l’Opéra-Comique, en 1887. Les cintres étaient encombrés de toiles, au milieu desquelles montaient et descendaient, en se balançant, des herses, qui portaient cinquante à soixante becs de gaz allumés. Les portants et les fermes étaient garnis de tuyaux, donnant des jets de gaz. Partout les matières les plus inflammables étaient au voisinage du feu. Un bec de gaz embrasa une toile flottante, et telle fut la cause de la catastrophe qui fit un si grand nombre de victimes, et qui, terrifiant le public, détermina les autorités supérieures, en France et à l’étranger, à proscrire le gaz de l’intérieur des théâtres.

Dans la salle, le gaz, disons-nous, présente, non des dangers, mais de notables inconvénients. Pendant l’été, il provoque une chaleur étouffante, et en tout temps, il vicie sensiblement l’air. Nous avons montré que la combustion du gaz, à l’intérieur des appartements, est une cause manifeste d’altération de l’air. Le même effet se produit nécessairement pour les salles de théâtres.

Pour se rendre compte exactement du degré de cette altération, il suffit de remarquer que la combustion d’un seul bec de gaz absorbe, par la formation de l’acide carbonique et de l’eau, autant d’oxygène que sept à huit personnes. Or, dans les salles de théâtre bien éclairées, on n’allume pas moins d’un bec de gaz par spectateur, et le plus souvent par deux spectateurs. L’air est ainsi appauvri en oxygène autant que s’il y avait dix fois plus de personnes dans la salle.

On a fait, en 1885, au Théâtre-Royal de la Cour, à Munich, des expériences, qui ont permis de comparer les résultats de l’éclairage électrique et de l’éclairage au gaz, au point de vue hygiénique. Dans la salle complètement remplie de spectateurs et éclairée à l’électricité, la température ne s’élevait, pendant la représentation, que de + 7°,7 au parterre et de + 7°,4 dans les galeries. Quand la salle était éclairée au gaz, la température s’élevait à + 11°,7 et à 12°,8 dans les galeries. La quantité d’acide carbonique de l’air était, avec l’éclairage électrique, de 1,40 pour 100 au parterre et dans les galeries de 1,85 ; elle était de 2,61 et 3,28 pour 100 avec l’éclairage au gaz.

Si la combustion du gaz est incomplète, par suite d’un défaut de réglage des flammes, elles débordent, fument, et il se forme des produits accessoires, tels que l’acétylène, dont l’odeur est facile à reconnaître. Les particules de charbon qui ont échappé à la combustion, s’ajoutent alors aux poussières ordinaires, et s’introduisent dans les poumons.

Toutes ces causes d’altération, jointes à la respiration des spectateurs, finissent par rendre absolument malsain l’air d’une salle éclairée au gaz.

L’électricité, qui ne dépose, en éclairant, aucun corps étranger dans l’atmosphère de la salle, et qui ne peut communiquer l’incendie aux décors de la scène, est donc le plus merveilleux agent d’éclairage que l’on puisse rêver pour les théâtres.

Il serait superflu d’insister davantage sur une question au sujet de laquelle tout le monde est d’accord aujourd’hui. Il importe seulement de donner les règles générales de l’installation de l’éclairage électrique dans les salles de spectacle.

En premier lieu, on ne doit pas établir, à l’intérieur de la salle, des lampes à arc, en raison des fragments de charbon enflammé qui tombent souvent des bougies Jablochkoff, et qui peuvent devenir, pour