Aller au contenu

Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un navire-citerne, ou tanksteamer américain (le Chigwel).

Les compartiments ont une forme légèrement conique, qui permet de maintenir à vide la stabilité du navire, sans recourir au water ballast, et de nettoyer plus facilement l’intérieur de la cale, pour loger le fret de retour.

Le transport des huiles brutes effectué par les navires pétroliers, a constitué un véritable progrès et une phase nouvelle pour l’exportation. Chaque jour, en Amérique, on construit de nouveaux navires de ce genre, ou l’on modifie leurs dispositions intérieures, en vue d’utiliser toute la capacité de la cale comme réservoir du naphte à transporter.

L’emploi de tels moyens de transport, avec appareils de chargement et de déchargement perfectionnés, a singulièrement simplifié le transport par mer, et réduit sensiblement les dépenses des expéditeurs, en abrégeant la durée des séjours des navires dans les ports.

Dans les premiers temps, les capitaines des navires pétroliers n’étaient pas sans inquiétude pour la sûreté de leurs navires, et la vie de leur équipage. Beaucoup d’entre eux refusaient cette dangereuse cargaison, et ceux qui l’acceptaient, étaient sur un continuel qui-vive, depuis le moment du départ jusqu’à l’arrivée à destination.

On raconte qu’un capitaine américain d’un de ces navires pétroliers naviguant par des grandes chaleurs, reconnut que le pétrole contenu dans la cale, commençait à bouillir. Les vapeurs pouvaient prendre feu, si elles arrivaient au foyer de la machine à vapeur ! Épouvanté de cette terrifiante perspective, le capitaine ordonna d’éteindre le feu de la chaudière, pour continuer le voyage à la voile. Seulement, le navire-pétrolier était assez mal pourvu en fait de voiles, les constructeurs n’ayant jamais considéré l’éventualité de l’usage exclusif de la mâture ; et d’autre part, les vents étaient contraires. Le malheureux navire mit plus de deux mois à atteindre l’Angleterre, où il portait sa dangereuse cargaison. Ajoutez que tous les foyers se trouvant éteints, l’équipage en était réduit à ne manger que des vivres froids, et à passer les nuits dans les ténèbres.

On n’a pas oublié le terrible incendie des navires chargés de pétrole, qui, il y a vingt ans, détruisit, dans le port de Bordeaux, en même temps que ces navires, un nombre considérable de bâtiments de commerce.

Voici dans quelles circonstances se produisit ce désastre.

Un navire belge, le Comte de Hainaut, entrait dans la rade de Bordeaux, chargé de 100 barils d’huile de pétrole et de 1 400 caisses d’essence. Il alla se placer près d’un chaland, chargé de transborder le pétrole. Le douanier qui devait donner le permis de circulation, n’y voyait plus clair, la nuit étant survenue. Il demande une lumière, et sans réfléchir, un mousse frotte une allumette sur sa vareuse. Aussitôt, les vapeurs de l’essence que l’on était occupé à transborder, s’enflamment ; une explosion formidable se produit ; mousse, douanier et patron, sont précipités dans la Gironde.

Le capitaine du port a, alors, la malheureuse idée de faire échouer la gabare incendiée sur un banc de sable. Mais bientôt, la marée montante arrivant, la gabare, qui continue de brûler, est enlevée par le flot, et descend tout enflammée vers le port.

Là, un nombre considérable de bâtiments devient la proie des flammes, et si les navires à vapeur n’avaient promptement fait gagner la mer à une multitude de bâtiments, tous ceux du port auraient été dévorés par les flammes. La population de Bordeaux, entassée sur les quais, regardait avec une morne épouvante, les péripéties de ce drame terrible.