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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/642

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convenablement préparée. Mais où trouver un point d’appui pour cette plume ? Comment la fixer à ce fluide fugitif, impalpable, invisible ?

« Dans l’examen attentif de l’oreille interne de l’homme, M. Scott a trouvé le moyen de résoudre ce problème si difficile, et de construire un appareil susceptible de recevoir l’impression des sons, de la transporter et de l’inscrire sur une surface plane.

« Que voit-on, en effet, dans l’oreille interne ? D’abord un conduit. Mais qu’est-ce qu’un conduit en acoustique, et à quoi peut-il servir ? Une expérience mémorable, due à l’illustre Biot, doyen de l’Académie, des sciences, va nous en fournir une explication complète, applicable à notre objet. Au commencement de ce siècle, pendant une nuit, Biot, placé à l’une des extrémités d’un aqueduc de fonte, d’une longueur de 950 mètres, put établir une conversation à voix très basse avec un second interlocuteur placé à l’autre extrémité de ce tube immense. Ainsi, avec un conduit d’une longueur quelconque, convenablement isolé de tout mouvement extérieur et de toute agitation des couches de l’air, le plus faible murmure de la voix est intégralement transmis à toute distance. Le conduit amène sans altération, sans déperdition, l’onde sonore, si complexe qu’elle soit, d’une des extrémités à l’autre, en la préservant de toutes les causes accidentelles qui pourraient la troubler ; et si le conduit est par lui-même incapable de vibrer, si aucune transmission du mouvement vibratoire ne s’accomplit dans la route, le fluide poursuivra indéfiniment son mouvement primitif, avec sa pureté, sa netteté, son intensité originelles. Il est évident, d’après cela, que si l’on prend un conduit façonné en entonnoir à l’un de ses bouts, on pourra s’en servir pour recueillir les sons par son pavillon, et les diriger, sans qu’ils soient altérés en aucune façon, vers sa petite extrémité.

« Poursuivons l’examen de l’oreille. À la suite du conduit auditif, on rencontre une membrane mince, demi-tendue et inclinée : c’est la membrane du tympan. Qu’est-ce qu’une membrane mince et demi-tendue, dans cette architecture physique qui nous occupe ? C’est, suivant la juste définition du physiologiste Müller, quelque chose de mixte, moitié solide, moitié fluide. Une membrane participe des solides par sa cohérence, et des fluides par l’extrême facilité de déplacement de toutes ses molécules. Elle est l’intermédiaire employé par la nature pour une transmission aussi parfaite, que possible, du mouvement d’un fluide à un solide. Cette membrane, qui termine le conduit auditif, nous fournira le point d’appui que nous cherchons pour notre plume.

« Nous avons dit qu’il était nécessaire, pour la solution intégrale du problème, que le style appliqué sur le fluide en vibration, ou, ce qui reviendrait au même, sur la membrane, marquât sa trace sur un corps demi-fluide. En effet, tout mode d’inscription du mouvement qui exigerait, pour tracer la gravure, un effort appréciable, serait impossible à ce burin quasi aérien. La couche sensible ne devra donc offrir aucune résistance à ces délicates empreintes. De même qu’il a pris un demi-solide pour agent graphique, M. Scott a donc pris un demi-fluide pour matrice : c’est le noir de fumée. Une mince couche de noir de fumée déposée à l’état semi-fluide sur un corps quelconque (métal, bois, papier, tissu) animé d’un mouvement de progression uniforme, afin que les traces formées ne rentrent pas les unes dans les autres, telle est la surface propre à recevoir les traits de la plume.

« En résumé, l’appareil employé par M. Scott, pour obtenir l’impression graphique des sons, se compose d’un conduit évasé à son extrémité en une sorte de pavillon, qui sert à recueillir les sons de la