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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/644

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pelée à fonder sur des bases nouvelles la sténographie. Une sténographie manuelle aussi rapide que la parole, est d’une impossibilité radicale. En effet, dans la courte durée d’une seconde, la voix peut donner dix sons syllabiques ; or, la main la plus agile ne saurait, dans le même espace de temps, former, non pas même des signes variés, mais des points uniformes. La sténographie littérale étant irréalisable, on a songé aux moyens de condenser, d’abréger, de figurer les sons principaux, en négligeant toutes les syllabes accessoires. Mais un tel travail fait sur la langue écrite, devrait être précédé d’une étude approfondie de la langue phonétique. Cette reconstitution du langage sur une base scientifique ne serait pas à dédaigner pour la vérification de la langue écrite, car personne n’ignore que l’orthographe française est un compromis incohérent entre la prononciation et l’étymologie. L’art nouveau essayé par M. Scott fournira les bases de cette étude préalable.

« L’écriture et l’imprimerie expriment la parole, il est vrai, mais la parole morte et décolorée. Vous venez d’entendre réciter de beaux vers par Rachel : écrivez-les, et donnez-les à lire à un enfant, vous ne les reconnaîtrez plus. Pour leur rendre la vie, il eût fallu les accentuer, les noter, comme en musique ; encore le but n’eût-il été que très imparfaitement atteint. Il manque là quelque chose ; c’est ce que sentent beaucoup d’hommes éclairés, mais sans espoir de combler la lacune. La phonautographie de M. Scott fournira le moyen d’imprimer à l’écriture ordinaire l’expression qui lui manque, c’est-à-dire de traduire graphiquement la pensée par l’expression de la parole ; car l’amplitude du tracé graphique ou la faible dimension de ce même tracé, correspondraient exactement à ces diverses inflexions de la voix dont la déclamation s’accompagne.

« Les travaux de M. Scott nous semblent donc marquer le début d’un art plein d’originalité, bien qu’il soit difficile, dès aujourd’hui, d’en prévoir et d’en fixer le développement et les applications. Si nous ajoutons que M. Scott, travailleur solitaire, ne dispose, comme la plupart des inventeurs, que de médiocres ressources, et que, depuis un grand nombre d’années, il prend ses heures d’expériences sur les heures du travail de sa profession, nous donnerons un motif de plus à l’intérêt et à la sympathie que ses recherches doivent inspirer aux amis des sciences. »

Ainsi, comme il était dit plus haut, le phonautographe de Léon Scott enregistrait les sons de la parole, mais il ne la reproduisait pas. Ce n’était que la moitié de la solution du problème. M. Edison est parvenu tout à la fois à enregistrer et à reproduire la parole et le chant. Voilà comment se trouva achevée la solution du problème abordé par Léon Scott, vingt ans auparavant.

Mais Léon Scott ne devait tirer aucun profit du brillant complément de ses travaux réalisé par le physicien des États-Unis. Dès l’annonce de la présentation du phonographe à l’Académie des sciences, il rappela les travaux, fit valoir ses droits, dont Edison avait absolument négligé de tenir compte. Il faisait remarquer que la membrane vibrante, le style et une surface inscrivant les ondulations de la voix, dont se servait le physicien de New-York, se trouvaient consignés dans son brevet, et existaient dans son phonautographe. Edison se tint coi.

Dans un article de l’Année scientifique de 1878 (22e année), en rapportant la communication de Th. Du Moncel à l’Académie des sciences, je signalais les travaux de Léon Scott, comme ayant sérieusement contribué à l’invention nouvelle, mais cette revendication resta sans écho.

Quelques amis conseillèrent alors à Léon