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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/664

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C’est à ce foyer que se trouvait le fragment de sélénium à impressionner. Ce dernier faisait, comme précédemment, partie du circuit d’une pile et d’un téléphone ordinaire.

Les correspondances par le photophone exigeront des stations qui ne soient séparées par aucun obstacle, mur, maison, montagne. On pourrait surmonter ces difficultés au moyen de miroirs métalliques ou réflecteurs, pour dévier la lumière ; mais ces réflexions, absorbant une notable partie des rayons incidents, enlèveraient une partie de leur puissance et en réduiraient la portée.

Parmi les conséquences théoriques qui découlent de la découverte du photophone, il faut enregistrer les suivantes :

En premier lieu, la physique assigne une durée notable à la propagation des sons. Cette proposition est démentie. Il n’y a pas de vitesse du son, puisque cette vitesse est égale, grâce aux nouvelles dispositions, à celle de la lumière.

Le photophone semble mettre en défaut un autre dogme scientifique, beaucoup plus absolu. On enseigne, en effet, que les sons ne se propagent pas dans le vide. Mais, puisque la lumière se transmet dans le vide aussi bien et même mieux qu’à travers l’atmosphère, est-il possible de dire plus longtemps que le son ne se propage pas dans le vide ? Il est de toute évidence que, sur les ailes du nouvel instrument, le son peut traverser l’espace, et aller aussi vite et aussi loin qu’un rayon de lumière.

Faut-il conclure de ce que le son peut franchir l’espace à cheval sur un rayon de soleil, que l’on pourrait, avec le nouvel instrument créé par le physicien d’Amérique, recevoir, grâce aux rayons de lumière qui en émanent, des sons et des paroles envoyées par les habitants des astres qui font partie de notre système solaire ? En supposant : 1° que ces astres soient habités par des humanités semblables à la nôtre ; 2° que ces humanités ayant eu un développement intellectuel pareil au nôtre, ont pu découvrir, comme nous, le photophone, pourrait-on conserver l’espérance d’échanger des paroles avec les populations de Mars, de Vénus, ou tout au moins de la Lune, si elle est habitée ?

Cette pensée est du domaine du roman, mais le roman est si curieux, si intéressant, si fécond en aperçus splendides, que l’on peut se permettre, en passant, cette éblouissante échappée dans l’infini des cieux.

Pour revenir à la réalité scientifique, nous nous demanderons quel est l’avenir et quelles seront les applications du photophone ? L’instrument est bien récent encore pour que l’on se permette ces prévisions. Il est, en effet, évident que le photophone est encore dans l’enfance, et que de grands et sérieux perfectionnements devront lui être apportés.

Cependant, en raisonnant sur l’état présent de ce merveilleux instrument, on peut dire d’abord qu’il menace sérieusement la télégraphie électrique, et le téléphone lui-même. Il nous donne, en effet, le moyen de correspondre, sans aucun conducteur métallique, d’un point visible à un autre point visible, d’une manufacture à un atelier, d’un château à un village, d’une maison à une autre. La télégraphie aérienne, qui a disparu à l’avènement de la télégraphie électrique, pourra reprendre possession de son domaine, grâce à des postes convenablement espacés dans la campagne, comme l’étaient autrefois les postes du télégraphe Chappe, Il suffira que le soleil brille ou que des foyers électriques soient placés entre les deux stations, pour établir une correspondance parlée entre ces deux stations, correspondance instantanée, qui serait, par conséquent, plus rapide encore que la correspondance télégraphique.