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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/83

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l’épreuve en cerf-volant, celle que relève une fusée dans un feu d’artifice. On voit que la photographie ne marche pas : elle vole !

Il ne faut pas désespérer de voir une épreuve photographique prise par un boulet de canon. Cela viendra !

Les appareils à main, venant à la suite de la découverte du gélatino-bromure, ont opéré toute une révolution dans la photographie à l’usage des voyageurs et des amateurs. Autrefois il fallait, pour s’adonner à ce genre de délassement, mettre en bataille tout un attirail encombrant et compliqué. La chambre obscure était lourde, et pour lui servir de support, il fallait un trépied, d’un transport difficile. On emportait des piquets, une tente, pour servir de laboratoire ou pour la pose ; enfin, un arsenal de flacons, d’éprouvettes et de petites boîtes contenant les agents chimiques révélateurs. Les résultats étaient, d’ailleurs, loin d’être en rapport avec la peine que coûtaient les opérations. Il n’était pas facile de travailler en plein air ; le froid ou la chaleur, le soleil ou la pluie, dérangeaient les influences qui produisent l’image lumineuse, ou sa révélation sur la plaque impressionnée. Il arrivait souvent que les photographes les plus expérimentés ne rapportaient de leurs excursions que des déceptions et le souvenir des ennuis qu’ils avaient éprouvés de la part des curieux et des passants, quand ils opéraient en pleine campagne.

La découverte du gélatino-bromure, en permettant d’opérer instantanément, jointe à l’invention des appareils à main, dans lesquels la mise au point est supprimée, et qui donnent une image exacte, rien qu’en connaissant la distance où l’on se trouve du modèle, est venue révolutionner la photographie du voyageur et de l’amateur. Du jour où le commerce a pu vendre des appareils d’un petit volume, se portant dans un chapeau, les amateurs ont pu s’adonner à cœur-joie à un passe-temps rempli pour eux de charme et d’intérêt.

De nos jours, on a pu prendre des clichés à la dérobée, pour ainsi dire, sans que le modèle, la victime quelquefois, puisse se douter qu’il est l’objet d’une reproduction secrète. Les opticiens et les photographes ont multiplié, à l’envi, les artifices pour dissimuler les appareils photographiques sous des formes qui ne puissent aucunement éveiller l’attention du dehors.

Voyez-vous ce monsieur, aux allures indifférentes, en apparence, qui porte en bandoulière un petit sac, semblable à un étui de lorgnette. Tout d’un coup il s’arrête, et place devant sa poitrine le prétendu sac de voyage. De sa main droite il pousse un ressort, pour mettre l’objectif au point, d’après le jugé qu’il a pu faire de la distance, et de la main gauche il soulève et laisse retomber, en une fraction de seconde, l’obturateur du petit objectif contenu dans la boîte. Cela fait, il continue son chemin.

Ce mystérieux personnage est un amateur photographe, qui a remarqué, en passant, un type d’homme ou de femme ou une scène de mœurs, qu’il a eu la fantaisie de conserver. Il en a pris l’épreuve photographique, sans que personne, autour de lui, se doutât de son acte, et il rapporte dans son laboratoire, pour la développer et la fixer, l’image qu’il a saisie au vol.

Pendant que s’éloignait l’homme au sac de voyage, un autre amateur s’arrête, et, frappé du même type ou de la même scène, il ôte, d’un air indifférent, sa montre de sa poche.

Cette montre n’est pas une montre : c’est le photo-éclair photographique ; et, traîtreusement, notre homme prend, comme le précédent, l’impression photographique du même modèle, puis il s’éloigne d’un pas tranquille.

Remarquez maintenant ce nouveau pas-