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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/86

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mesures sont prises, d’ailleurs, pour qu’en temps de guerre, les poudreries livrent à l’armée un million de kilogrammes de poudre par mois ; ce qui, avec les approvisionnements du temps de paix, suffirait amplement à tous les besoins. Enfin, comme on le verra dans les chapitres suivants, nos officiers, nos ingénieurs des poudres et salpêtres et nos chimistes, poursuivent sans relâche l’étude des explosifs. Nos obus sont maintenant chargés de dynamite ou de mélinite ; la poudre ancienne, la poudre proprement dite, ne sert plus qu’au chargement des cartouches de fusil et des gargousses de canon.

Cette transformation ne s’est pas accomplie en un jour. Elle a fait l’objet de longues études, que nous avons à exposer dans ce Supplément.

Nous parlerons d’abord des nouvelles poudres de guerre et ferons connaître les principes sur lesquels repose leur fabrication ; nous traiterons ensuite des explosifs et de leurs diverses applications.

De nos jours, la poudre de guerre contient les mêmes éléments qu’autrefois, mais on a singulièrement modifié la proportion de ces mêmes éléments, et on fabrique une série particulière de poudres pour chaque destination particulière.

Si l’on a modifié la composition de la poudre, c’est que de nombreux essais ont démontré, d’une façon péremptoire, la supériorité des poudres à déflagration lente sur les poudres à déflagration vive.

Supposons que l’on enflamme un tas de poudre contenu dans un espace clos ; tous les grains prendront feu presque au même instant, mais ils ne brûleront pas tous avec la même vitesse, s’ils n’ont ni la même épaisseur, ni la même composition. Les grains très minces brûleront très vite, les grains plus gros brûleront lentement, en dégageant, au fur et à mesure de leur combustion, des gaz, dont la pression déterminera le départ du projectile. Ce n’est pas tout : le grain de poudre brûle d’autant plus vite que la pression développée dans l’espace clos est plus forte. Assimilons la chambre d’une bouche à feu à un vase clos, tenons compte des considérations qui précèdent, et nous arrivons à cette conclusion : Si l’on veut obtenir un effort prolongé sur le culot d’un projectile, il ne faut pas seulement modifier la composition de la poudre, il est surtout essentiel de déterminer la forme et les dimensions à donner au grain de poudre.

Cette découverte capitale a été, pour ainsi dire, le résultat du hasard. Un officier, M. de Saint-Robert, avait reconnu, en tirant avec un même fusil, dans trois circonstances différentes, que l’échauffement du canon diminuait sensiblement si l’on plaçait la balle non contre la poudre, mais à une certaine distance de la poudre. Deux chimistes, en Angleterre et en Suède, MM. Abel et Nobel, partirent de là pour faire toute une série d’expériences, très curieuses, qui amenèrent ces deux savants à formuler cette loi : « Quand on met le feu à la poudre dans l’âme d’un canon, les produits de l’explosion sont les mêmes qu’en vase clos ; le travail sur le projectile est effectué par les gaz permanents dont l’abaissement de température est compensé, en grande partie, par la chaleur emmagasinée dans le résidu liquide. » Il résulte de ces expériences que la densité et la pression des gaz produits par la combustion de la poudre, à la température à laquelle ils ont été portés, sont liées par la loi de Mariotte.

Quand la combustion d’une charge de poudre a lieu très rapidement, les gaz, qui sont renfermés à haute pression, sous un petit volume, se détendent promptement, pendant que le projectile parcourt l’âme de la pièce. Si la combustion est lente, au contraire, les gaz se produisent successivement, ne se détendent que peu à peu, et l’on obtient