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Page:Filion - À deux, 1937.djvu/147

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Laure a travaillé toute cette semaine. Elle est encore belle, pas de la même façon qu’auparavant. Autrefois son expression était enfantine, maintenant sa bouche a un pli amer qui surprend chez un être si jeune et lui donne un attrait de plus, c’est un véritable sphinx. Elle ne sourit qu’aux clients, par habitude. Lucille la raille justement à ce sujet, tandis qu’elles remettent en place les assiettes de leur maigre souper. « Vous êtes dix fois plus jolie Laure quand vous souriez, souriez donc toujours. »

Un coup discret frappé à la porte leur fait tourner la tête, Laure sans se déranger, dit :

— C’est Alexandre.

En effet, c’est sa mâle figure sur laquelle la tristesse jette un voile sombre, mais derrière lui une autre silhouette se profile, Laure reste saisie, ce doit être son père.

Lucille, instruite par les demi-confidences de Laure, prend son chapeau et s’éclipse afin de ne pas assister en tierce, à cette première rencontre du père et de la fille.

Laure reste médusée. Son père doit s’avancer jusqu’à elle, elle n’a pas fait un pas en avant. La prenant dans ses bras, la serrant fortement sur son cœur, il supplie :

— Mon enfant, pourras-tu jamais me pardonner tout le mal que je t’ai fait ?

Sans répondre Laure abandonne sa tête sur l’épaule de son père, et éclate en sanglots convulsifs. Elle ne peut qu’articuler :

— Papa.