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Page:Filion - À deux, 1937.djvu/166

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rassasier ses yeux de cette richesse de couleurs, plus ils s’éloignaient du village plus la verdure se faisait verdoyante. Nulle poussière ne venait ternir son coloris. Malgré tous ces objets divers qui auraient dû suffire à son imagination et chasser les idées noires, elle sentait une crainte folle s’emparer d’elle au moment décisif. Cette demande qu’elle avait formulée la mettait vis-à-vis de son père dans un état de dépendance. Quel genre de vie lui était réservé dans cette maison où, elle entrerait en étrangère, pour ne pas dire en intruse. N’avait-elle pas commis une grave erreur en venant se mêler à cette vie dont elle ignorait tout. Quelle aptitude aurait-elle pour les aider ? Sa fierté ne lui permettrait certainement pas d’accepter le pain de la charité. Elle allait chez son père, mais ce père, il avait refait sa vie. N’avait-elle pas présumé de ses forces ? N’avait-elle pas de plein gré couru vers une aventure désagréable ? Elle en était là de ses réflexions quand la voiture s’immobilisa devant le perron d’une maison à deux étages. Un rez-de-chaussée et un étage supérieur.

Laure, descendue de voiture, ne paraissait pas disposée à pénétrer dans la maison, son père lui demanda :

— Qu’as-tu mon enfant ?

— Je pense, mon père, que je serai peut-être de trop dans la maison de votre femme.

— Je suis le maître chez moi. Montre-toi gentille, comme tu sais le faire, je te réponds du reste.

Il devança Laure dans la cuisine, la table était