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Page:Filion - À deux, 1937.djvu/168

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dont des papiers de couleur cachent le contenu. Elle a tout le loisir d’examiner, son père est reparti à l’étable ; et cette femme, cette étrangère, ne trouve pas un mot à lui dire. Son mutisme n’est guère encourageant. Par la pensée, elle revoit sa mère, nouvelle mariée, arrivant dans cette maison où logiquement, elle aurait dû venir au monde. Tout à coup elle s’aperçoit de son inertie, elle rougit, se rapproche de la femme qui continue de s’occuper de mille détails, ici elle remet une cuiller, là elle déplace un couteau.

— Puis-je vous aider ? questionne-t-elle.

Et sa voix résonne toute drôle dans la pièce basse, aux poutres saillantes, comme sa mère la lui a dépeinte.

Puis elle reste court, elle ne peut dire maman, elle ne veut pas dire Madame. Elle ne sait pas.

L’autre paraît ignorer son embarras.

— Pas ce soir, Laure, merci.

La jeune fille est surprise de la facilité avec laquelle, cette femme la traite comme quelqu’un de la famille ; décontenancée, elle reste là les bras ballants. Pour cacher son désarroi, elle se retire dans un coin, il y a un banc à quatre degrés avec des fleurs naturelles qui s’y étagent en grappe. Maintenant son père est revenu dans la grande cuisine, et tout un monde est entré avec lui : quatre grands garçons en salopettes bleues à rayures blanches, des petites filles en robe d’indienne. Tout ce monde se dirige vers l’évier, ils font une toilette sommaire avant de se mettre à table ; une