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Page:Filion - À deux, 1937.djvu/70

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ai-je vu sur mon berceau ? qui m’a prodigué des caresses ? des étrangers ; plus tard, encore des étrangers et toujours des étrangers. Quel attachement réel puis-je ressentir à l’égard d’une mère que j’ai embrassée une fois l’an ? Ce sont les seuls souvenirs de tendresse entre nous. Elle est ma mère, je lui dois le respect et l’amour. Cependant, je ne lui reconnais pas le droit de briser mon bonheur juste au moment où il commence à fleurir.

Tandis qu’elle parlait, son corps était penché en avant, en s’arrêtant, elle se rejeta en arrière sur le divan, sa belle tête blonde à l’ovale si pur, si régulier s’abandonnait au dossier du meuble. Elle était touchante dans cette pose de lassitude, de désespoir, d’abandon ; elle semblait implorer le secours. Alexandre en fut touché outre mesure.

Il vint s’agenouiller devant elle.

— Laure, implora-t-il d’une voix profonde, promettez-moi de ne plus vous tourmenter, d’avoir confiance en moi ? Je vous jure d’aplanir tous les obstacles. Que ne ferai-je pas pour vous conquérir, mon aimée ?

Il posa ses lèvres sur la main de la jeune fille qui pendait à son côté, comme pour sceller cet engagement.

Au contact de ses lèvres chaudes sur sa main glacée, Laure frissonna, et joignit ses mains sur sa jupe, les yeux rivés sur la muraille en face d’elle, elle dit :

— Je vous promets d’avoir confiance en vous. Mais, si je n’étais pas la fille de ma mère, si elle m’a-