Aller au contenu

Page:Filion - À deux, 1937.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 78 —

cette même robe depuis des années, quand elle venait au couvent. Aussitôt, elle songea : elle vient de la campagne, d’un petit village ; j’ignore complètement les habitudes de cet endroit, peut-être toutes les femmes sont-elles mises de la sorte ? Il lui resta cependant un soupçon que sa mère pouvait bien, en ce qui la concernait, ne s’occuper guère de la mode et des gens. Un remords l’effleura : avec tout l’argent qu’elle m’a envoyé depuis juin, elle aurait pu s’acheter une superbe toilette. J’ai agi en égoïste, mais j’ignorais, si j’avais pu suspecter un pareil état de choses, je me serais montrée plus généreuse.

Cette fois, elle garda pour elle toutes les réflexions qui se croisaient dans sa tête. Elle s’avança, défit le chignon, et s’ingénia à vouloir faire bouffer les cheveux, mais ils avaient si bien pris l’habitude d’être collés à cette tête, à laquelle ils adhéraient depuis des années, qu’elle ne put réussir à leur faire prendre une allure conforme à ses goûts.

Sa mère se regarda à la glace minuscule et sourit tristement :

— Tu voudrais me voir jeune et belle pour te tenir compagnie, c’est impossible, impossible. Mais je n’ai pas toujours été ce que tu vois, tu m’as connue trop tard.

Laure le devinait à plusieurs petits indices, pourtant elle éprouva une certaine satisfaction à entendre sa mère l’en assurer.

— N’y a-t-il pas des jours où l’on doute de tous et de soi-même ?