Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/192

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Les persiennes en étaient closes. Frédéric la parcourait des yeux, en se rappelant le tapage de l’autre nuit, lorsqu’il remarqua au milieu, sur la table, un chapeau d’homme, un vieux feutre bossué, gras, immonde. À qui donc ce chapeau ? Montrant impudemment sa coiffe décousue, il semblait dire : « Je m’en moque après tout ! Je suis le maître ! »

La Maréchale survint. Elle le prit, ouvrit la serre, l’y jeta, referma la porte (d’autres portes, en même temps, s’ouvraient et se refermaient), et, ayant fait passer Frédéric par la cuisine, elle l’introduisit dans son cabinet de toilette.

On voyait, tout de suite, que c’était l’endroit de la maison le plus hanté, et comme son vrai centre moral. Une perse à grands feuillages tapissait les murs, les fauteuils et un vaste divan élastique ; sur une table de marbre blanc s’espaçaient deux larges cuvettes en faïence bleue ; des planches de cristal formant étagère au-dessus étaient encombrées par des fioles, des brosses, des peignes, des bâtons de cosmétique, des boîtes à poudre ; le feu se mirait dans une haute psyché ; un drap pendait en dehors d’une baignoire, et des senteurs de pâte d’amandes et de benjoin s’exhalaient.

— Vous excuserez le désordre ! Ce soir, je dîne en ville.

Et, comme elle tournait sur ses talons, elle faillit écraser un des petits chiens. Frédéric les déclara charmants. Elle les souleva tous les deux, et haussant jusqu’à lui leur museau noir :

— Voyons, faites une risette, baisez le monsieur.

Un homme, habillé d’une sale redingote à collet de fourrure, entra brusquement.