Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/256

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Arnoux reprit :

— Pourquoi ne venez-vous plus là-bas ?

Frédéric promit d’y retourner.

— Ah j’oubliais ! vous devriez…, en causant de Rosanette…, lâcher à ma femme quelque chose… je ne sais quoi, mais vous trouverez… quelque chose qui la persuade que vous êtes son amant. Je vous demande cela comme un service, hein ?

Le jeune homme, pour toute réponse, fit une grimace ambiguë. Cette calomnie le perdait. Il alla le soir même chez elle, et jura que l’allégation d’Arnoux était fausse.

— Bien vrai ?

Il paraissait sincère ; et, quand elle eut respiré largement, elle lui dit : « Je vous crois », avec un beau sourire ; puis elle baissa la tête, et, sans le regarder :

— Au reste, personne n’a de droit sur vous !

Elle ne devinait donc rien, et elle le méprisait, puisqu’elle ne pensait pas qu’il put assez l’aimer pour lui être fidèle ! Frédéric, oubliant ses tentatives près de l’autre, trouvait la permission outrageante.

Ensuite, elle le pria d’aller quelquefois « chez cette femme », pour voir un peu ce qui en était.

Arnoux survint, et, cinq minutes après, voulut l’entraîner chez Rosanette.

La situation devenait intolérable.

Il en fut distrait par une lettre du notaire qui devait lui envoyer le lendemain quinze mille francs ; et, pour réparer sa négligence envers Deslauriers, il alla lui apprendre tout de suite cette bonne nouvelle.