Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/294

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ture. C’était une berline de louage avec deux chevaux de poste et un postillon ; il avait mis sur le siège de derrière son domestique. La Maréchale parut satisfaite de ses prévenances ; puis, dès qu’elle fut assise, lui demanda s’il avait été chez Arnoux, dernièrement.

— Pas depuis un mois, dit Frédéric.

— Moi, je l’ai rencontré avant-hier, il serait même venu aujourd’hui. Mais il a toutes sortes d’embarras, encore un procès, je ne sais quoi. Quel drôle d’homme !

— Oui ! très drôle !

Frédéric ajouta d’un air indifférent :

— À propos, voyez-vous toujours… comment donc l’appelez-vous ?… cet ancien chanteur… Delmar ?

Elle répliqua, sèchement :

— Non ! c’est fini !

Ainsi, leur rupture était certaine. Frédéric en conçut de l’espoir.

Ils descendirent au pas le quartier Breda ; les rues, à cause du dimanche, étaient désertes, et des figures de bourgeois apparaissaient derrière des fenêtres. La voiture prit un train plus rapide ; le bruit des roues faisait se retourner les passants, le cuir de la capote rabattue brillait, le domestique se cambrait la taille, et les deux havanais l’un près de l’autre semblaient deux manchons d’hermine, posés sur les coussins. Frédéric se laissait aller au bercement des soupentes. La Maréchale tournait la tête, à droite et à gauche, en souriant.

Son chapeau de paille nacrée avait une garniture de dentelle noire. Le capuchon de son bur-