Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/335

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Arnoux trouva cette réserve fort délicate. Puis, avec sa légèreté ordinaire, passant à une autre idée :

— Quoi de neuf, Citoyen ?

Et ils se mirent à causer traites, échéances. Afin d’être plus commodément, ils allèrent même chuchoter à l’écart sur une autre table.

Frédéric distingua ces mots : « Vous allez me souscrire. — Oui ! mais, vous, bien entendu… — Je l’ai négocié enfin pour trois cents ! — Jolie commission, ma foi ! » Bref, il était clair qu’Arnoux tripotait avec le Citoyen beaucoup de choses.

Frédéric songea à lui rappeler ses quinze mille francs. Mais sa démarche récente interdisait les reproches, même les plus doux. D’ailleurs, il se sentait fatigué. L’endroit n’était pas convenable. Il remit cela à un autre jour.

Arnoux, assis à l’ombre d’un troène, fumait d’un air hilare. Il leva les yeux vers les portes des cabinets donnant toutes sur le jardin, et dit qu’il était venu là, autrefois, bien souvent.

— Pas seul, sans doute ? répliqua le Citoyen.

— Parbleu !

— Quel polisson vous faites ! un homme marié !

— Eh bien, et vous donc ! reprit Arnoux.

Et, avec un sourire indulgent :

— Je suis même sûr que ce gredin-là possède quelque part, une chambre où il reçoit des petites filles !

Le Citoyen confessa que c’était vrai, par un simple haussement de sourcils. Alors, ces deux messieurs exposèrent leurs goûts : Arnoux préférait maintenant la jeunesse, les ouvrières ; Regim-