Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/571

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Frédéric, devant cette décadence, fut pris de tristesse. Par dévouement pour la Maréchale, il se résigna cependant, et il s’avançait ; au fond de la boutique, Mme Arnoux parut ; alors, il tourna les talons.

— Je ne l’ai pas trouvé, dit-il en rentrant.

Et il eut beau reprendre qu’il allait écrire, tout de suite, à son notaire du Havre pour avoir de l’argent, Rosanette s’emporta. On n’avait jamais vu un homme si faible, si mollasse ; pendant qu’elle endurait mille privations, les autres se gobergeaient.

Frédéric songeait à la pauvre Mme Arnoux, se figurant la médiocrité navrante de son intérieur. Il s’était mis au secrétaire ; et, comme la voix aigre de Rosanette continuait :

— Ah ! au nom du ciel, tais-toi !

— Vas-tu les défendre, par hasard ?

— Eh bien, oui ! s’écria-t-il, car d’où vient cet acharnement ?

— Mais toi, pourquoi ne veux-tu pas qu’ils payent ? C’est dans la peur d’affliger ton ancienne, avoue-le !

Il eut envie de l’assommer avec la pendule ; les paroles lui manquèrent. Il se tut. Rosanette, tout en marchant dans la chambre, ajouta :

— Je vais lui flanquer un procès, à ton Arnoux. Oh ! je n’ai pas besoin de toi !

Et, pinçant les lèvres :

— Je consulterai.

Trois jours après, Delphine entra brusquement.

— Madame, madame, il y a là un homme avec un pot de colle qui me fait peur.