Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/291

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lait aux conférences de Saint-François, se plaignit de son larynx, avalait de temps à autre une boule de gomme ; et cependant, parlait musique, faisait le léger. Mlle Cécile, la nièce de M. Dambreuse, qui se brodait une paire de manchettes, le regardait, en dessous, avec ses prunelles d’un bleu pâle ; et miss John, l’institutrice à nez camus, en avait lâché sa tapisserie ; toutes deux paraissaient s’écrier intérieurement

— « Qu’il est beau ! »

Mme Dambreuse se tourna vers lui.

— « Donnez-moi donc mon éventail, qui est sur cette console, là-bas. Vous vous trompez ! l’autre ! »

Elle se leva ; et, comme il revenait, ils se rencontrèrent au milieu du salon, face à face ; elle lui adressa quelques mots, vivement, des reproches sans doute, à en juger par l’expression altière de sa figure ; Martinon tâchait de sourire ; puis il alla se mêler au conciliabule des hommes sérieux. Mme Dambreuse reprit sa place, et, se penchant sur le bras de son fauteuil, elle dit à Frédéric :

— « J’ai vu quelqu’un, avant-hier, qui m’a parlé de vous, M. de Cisy ; vous le connaissez, n’est-ce pas ? »

— « Oui… un peu. »

Tout à coup Mme Dambreuse s’écria :

— « Duchesse, ah ! quel bonheur ! »

Et elle s’avança jusqu’à la porte, au-devant d’une vieille petite dame, qui avait une robe de taffetas carmélite et un bonnet de guipure, à longues pattes. Fille d’un compagnon d’exil du comte d’Artois et veuve d’un maréchal de l’Empire créé pair de France en 1830, elle tenait à l’ancienne cour comme à la nouvelle et pouvait obtenir beaucoup de choses. Ceux qui causaient debout s’écartèrent, puis reprirent leur discussion.

Maintenant, elle roulait sur le paupérisme, dont