Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/522

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un grand détour dans les vignes, revinrent par la Pêcherie et se glissèrent chez la Turque, en tenant toujours leurs gros bouquets.

Frédéric présenta le sien, comme un amoureux à sa fiancée. Mais la chaleur qu’il faisait, l’appréhension de l’inconnu, une espèce de remords, et jusqu’au plaisir de voir, d’un seul coup d’œil, tant de femmes à sa disposition, l’émurent tellement, qu’il devint très pâle et restait sans avancer, sans rien dire. Toutes riaient, joyeuses de son embarras ; croyant qu’on s’en moquait, il s’enfuit ; et, comme Frédéric avait l’argent, Deslauriers fut bien obligé de le suivre.

On les vit sortir. Cela fit une histoire qui n’était pas oubliée trois ans après.

Ils se la contèrent prolixement, chacun complétant les souvenirs de l’autre ; et, quand ils eurent fini :

— « C’est là ce que nous avons eu de meilleur ! » dit Frédéric.

— « Oui, peut-être bien ? C’est là ce que nous avons eu de meilleur ! » dit Deslauriers.



FIN.