Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/453

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bruns, qui vinrent embrasser leur grand-père à la descente de cheval, nous montrèrent à leur bon air et à leurs vêtements propres que mes prévisions étaient injustes, et je me sentis alors soulagé de tout l’espoir d’un bon dîner et d’un bon lit. Les gens qui restent non loin de leur feu, les pieds dans les pantoufles, et à qui l’on vient dire tous les jours, quand il est six heures, que la table est mise, s’étonnent quelquefois dans les récits de voyage de la voracité et des joies bestiales de celui qu’ils lisent ou qu’ils écoutent ; il faut avoir passé plusieurs jours à chevaucher sous un soleil de 23 degrés, pendant douze ou treize heures, s’arrêtant une fois dans la journée pour boire l’eau d’une fontaine et manger du pain sec, avoir marché de longues heures sur des pointes de marbre ou de granit, pour sentir la joie inexprimable (et ne plus la condamner) de dévorer en silence le bouc rôti sur les charbons et de s’étendre ensuite dans une couche molle et propre.

Un jeune homme de 22 ans environ, en veste de velours vert, nu-tête et de manières graves, se tenait sur le perron ; c’était le fils de M. Laurelli. Il nous a fait monter en haut où nous avons dîné comme des affamés, en compagnie d’un sergent voltigeur qui a gardé le silence tout le repas et qui, la bouche béante, à chaque mot que nous disions avait l’air d’attendre les suivants comme de bons morceaux.

Le capitaine Laurelli est le propriétaire des eaux minérales de Pietra-Pola, situées à environ deux