Page:Flaubert - Salammbô.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voulut pas les ouvrir dans la peur des Mercenaires.

Le jour se levait ; du côté de l’occident, arrivèrent les fantassins de Mâtho. En même temps des cavaliers parurent ; c’était Narr’Havas avec ses Numides. Sautant par-dessus les ravins et les buissons, ils forçaient les fuyards comme des lévriers qui chassent des lièvres. Ce changement de fortune interrompit le Suffète. Il cria pour qu’on vînt l’aider à sortir de l’étuve.

Les trois captifs étaient toujours devant lui. Un nègre (le même qui, dans la bataille, portait son parasol) se pencha vers son oreille.

— Eh bien ?… répondit le Suffète lentement. Ah ! tue-les ! ajouta-t-il d’un ton brusque.

L’Éthiopien tira de sa ceinture un long poignard, et les trois têtes tombèrent. Une d’elles, en rebondissant parmi les épluchures du festin, alla sauter dans la vasque, et elle y flotta quelque temps, la bouche ouverte, les yeux fixes. Les lueurs du matin entraient par les fentes du mur ; les trois corps, couchés sur leur poitrine, ruisselaient à gros bouillons comme trois fontaines, et une nappe de sang coulait sur les mosaïques, sablées de poudre bleue. Le Suffète trempa sa main dans cette fange toute chaude, et il s’en frotta les genoux : c’était un remède.

Le soir venu, il s’échappa de la ville avec son escorte, puis s’engagea dans la montagne pour rejoindre son armée.

Il parvint à en retrouver les débris.

Quatre jours après, il était à Gorza, sur le haut d’un défilé, quand les troupes de Spendius se présentèrent en bas. Vingt bonnes lances, en atta-