Page:Flaubert - Salammbô.djvu/174

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Abdalonim, avec une des clefs qui pendaient à sa ceinture, ouvrit une grande chambre quadrangulaire, divisée au milieu par des piliers de cèdre. Des monnaies d’or, d’argent et d’airain, disposées sur des tables ou enfoncées dans des niches, montaient le long des quatre murs jusqu’aux lambourdes du toit. D’énormes couffes en peau d’hippopotame supportaient, dans les coins, des rangs entiers de sacs plus petits ; des tas de billon faisaient des monticules sur les dalles ; et, çà et là, quelque pile trop haute, s’étant écroulée, avait l’air d’une colonne en ruine. Les grandes pièces de Carthage, représentant Tanit avec un cheval sous un palmier, se mêlaient à celles des colonies, marquées d’un taureau, d’une étoile, d’un globe ou d’un croissant. Puis l’on voyait disposées, par sommes inégales, des pièces de toutes les valeurs, de toutes les dimensions, de tous les âges, depuis les vieilles d’Assyrie, minces comme l’ongle, jusqu’aux vieilles du Latium, plus épaisses que la main, avec les boutons d’Égine, les tablettes de la Bactriane, les courtes tringles de l’ancienne Lacédémone ; plusieurs étaient couvertes de rouille, encrassées, verdies par l’eau ou noircies par le feu, ayant été prises dans des filets ou après les sièges parmi les décombres des villes. Le Suffète eut bien vite supputé si les sommes présentes correspondaient aux gains et aux dommages qu’on venait de lui lire ; et il s’en allait lorsqu’il aperçut trois jarres d’airain complètement vides. Abdalonim détourna la tête en signe d’horreur. Hamilcar résigné ne parla point.

Ils traversèrent d’autres couloirs, d’autres salles, et arrivèrent enfin devant une porte où, pour la