Page:Flaubert - Salammbô.djvu/292

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meil. En même temps, les Barbares arrivèrent : Magdassan s’enfuit, les portes s’ouvrirent ; dès lors, les deux villes tyriennes montrèrent à leurs nouveaux amis un opiniâtre dévouement, et à leurs anciens alliés une haine inconcevable.

Cet abandon de la cause punique était un conseil, un exemple. Les espoirs de délivrance se ranimèrent. Des populations, incertaines encore, n’hésitèrent plus. Tout s’ébranla. Le Suffète l’apprit, et il n’attendait aucun secours ! Il était maintenant irrévocablement perdu.

Aussitôt il congédia Narr’Havas, qui devait garder les limites de son royaume. Quant à lui, il résolut de rentrer à Carthage pour y prendre des soldats et recommencer la guerre.

Les Barbares établis à Hippo-Zaryte aperçurent son armée comme elle descendait la montagne.

Où donc les Carthaginois allaient-ils ? La faim sans doute les poussait ; et, affolés par les souffrances, malgré leur faiblesse, ils venaient livrer bataille. Mais ils tournèrent à droite : ils fuyaient. On pouvait les atteindre, les écraser tous. Les Barbares s’élancèrent à leur poursuite.

Les Carthaginois furent arrêtés par le fleuve. Il était large cette fois, et le vent d’ouest n’avait pas soufflé. Les uns le passèrent à la nage, les autres sur leurs boucliers. Ils se remirent en marche. La nuit tomba. On ne les vit plus.

Les Barbares ne s’arrêtèrent pas ; ils remontèrent plus loin, pour trouver une place plus étroite. Les gens de Tunis accoururent ; ils entraînèrent ceux d’Utique. À chaque buisson, leur nombre augmentait ; et les Carthaginois, en se