Page:Flaubert - Salammbô.djvu/50

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rissés de feuilles sèches, de poussière et d’épines. Il avait autour des reins et autour des genoux des torchis de paille, des lambeaux de toile ; sa peau molle et terreuse pendait à ses membres décharnés, comme des haillons sur des branches sèches ; ses mains tremblaient d’un frémissement continu, et il marchait en s’appuyant sur un bâton d’olivier.

Il arriva auprès des Nègres qui portaient les flambeaux. Une sorte de ricanement idiot découvrait ses gencives pâles ; ses grands yeux effarés considéraient la foule des Barbares autour de lui.

Mais, poussant un cri d’effroi, il se jeta derrière eux, et il s’abritait de leurs corps ; il bégayait :

— Les voilà ! les voilà ! en montrant les gardes du Suffète, immobiles dans leurs armures luisantes.

Leurs chevaux piaffaient, éblouis par la lueur des torches : elles pétillaient dans les ténèbres ; le spectre humain se débattait et hurlait :

— Ils les ont tués !

À ces mots qu’il criait en baléare, des Baléares arrivèrent et le reconnurent ; sans leur répondre il répétait :

— Oui, tués tous, tous ! écrasés comme des raisins ! Les beaux jeunes hommes ! les frondeurs ! mes compagnons, les vôtres !

On lui fit boire du vin, et il pleura ; puis il se répandit en paroles.

Spendius avait peine à contenir sa joie, tout en expliquant aux Grecs et aux Libyens les choses horribles que racontait Zarxas ; il n’y pouvait croire, tant elles survenaient à propos. Les Ba-