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Page:Flavius Josephe - Leon Blum - Contre Apion, Leroux, Paris, 1902.djvu/91

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va lire. Apion s’est fait le porte-parole des autres : il prétend qu’Antiochus trouva dans le temple un lit sur lequel un homme était couché, et devant lui une table chargée de mets, poissons, animaux terrestres, volatiles. L’homme restait frappé de stupeur. Bientôt il salua avec un geste d’adoration l’entrée du roi comme si elle lui apportait le salut ; tombant à ses genoux, il étendit la main droite et demanda la liberté. Le roi lui dit de se rassurer, de lui raconter qui il était, pourquoi il habitait ce lieu, ce que signifiait cette nourriture. L’homme, alors, avec des gémissements et des larmes, lui raconta d’un ton lamentable son malheur. Il dit, continue Apion, qu’il était Grec, et que, tandis qu’il parcourait la province pour gagner sa vie, il avait été tout à coup saisi par des hommes de race étrangère et conduit dans le temple ; là on l’enferma, on ne le laissait voir de personne, mais on préparait toutes sortes de mets pour l’engraisser. D’abord ce traitement qui lui apportait un bienfait inespéré lui fit plaisir ; puis vint le soupçon, ensuite la terreur ; enfin, en consultant les serviteurs qui l’approchaient, il apprit la loi ineffable des Juifs qui commandait de le nourrir ainsi ; qu’ils pratiquaient cette coutume tous les ans à une époque déterminée ; qu’ils s’emparaient d’un voyageur grec, l’engraissaient pendant une année, puis conduisaient cet homme dans une certaine forêt, où ils le tuaient ; qu’ils sacrifiaient son corps suivant leurs rites, goûtaient ses entrailles et juraient, en immolant le Grec, de rester les ennemis des Grecs ; alors ils jetaient dans un fossé les restes de leur victime. Enfin, rapporte Apion, il dit que peu de jours seulement lui restaient à vivre, et supplia le roi, par pudeur pour les dieux de la Grèce et pour déjouer les embûches des Juifs contre sa race, de le délivrer des maux qui le menaçaient. Une telle fable non seulement est pleine de tous les procédés dramatiques, mais encore elle déborde d’une cruelle impudence. Cependant elle n’absout pas Antiochus du sacrilège, comme l’ont imaginé ceux qui l’ont racontée en sa faveur. En effet, ce n’est pas parce qu’il prévoyait cette horreur qu’il est venu au temple, mais, selon leur propre récit, il l’a rencontrée sans s’y attendre. Il fut donc en tout cas volontairement injuste et impie et athée, quel que soit l’excès