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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/120

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plus que la dernière fois ? Dame, un financier ! Mais, Jarni, je l’valons ben !…

Et Poitou, qui se prenait toujours au mot quand il s’agissait d’autre chose que d’honneur, prouva sur-le-champ, ou plutôt sur le lit de Mme la Duchesse, la bonne qualité de sa roture.

La malheureuse Raton subit ces outrages avec résignation. Toutefois, elle ne put s’empêcher de songer que Monseigneur dépassait par ses caresses la qualité de M. le Duc, la rudesse de M. Poitou et ce qu’elle ne savait pas encore de ce M. Peixotte. Seigneur ! elle allait servir au plaisir d’un Hébreu ! N’était-ce pas comme si Véronique eût partagé la couche de Pilate après avoir essuyé la Face du Dieu fait Homme, ou prêté son corps à la canaille des soldats dans les buissons du Calvaire ?

Poitou ne l’eût pas plus tôt quittée pour chercher un fiacre qu’elle alla s’agenouiller devant le portrait du boudoir. Il n’était plus pour elle celui de M. le Duc, mais perpétuellement celui du Divin Maître. Elle ne passait jamais devant sans une légère génuflexion ou bien un furtif signe de croix. Quand elle était seule, copiant à son insu l’image de M. Le Brun, elle s’abîmait en extase. Cependant, le Divin Maître ne parut pas désapprouver sa servante. Même, elle lui trouva un air plus engageant que de coutume.