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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/199

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— C’est un peu pourquoi je suis ton hôte assidu, répliqua l’abbé. Enfin, tout cela soit dit pour renforcer tes bons sentiments par la crainte de badiner avec les choses saintes. Il n’en peut sortir rien de bon, et la police de M. de Sartine est devenue plus chatouilleuse encore depuis l’aventure de Sœur Rose, qui a renflammé de ses cendres le scandale déjà ancien de son prédécesseur le Lieutenant et Garde des Sceaux René de Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson.

— Bah ! fit la Gourdan, il y a de cela belle lurette. Je n’étais pas née. C’était, je crois, sous la Régence ?

— Parfaitement ! dit l’abbé. Sous prétexte qu’elle avait la charge d’inspecter les monastères délabrés, Sa Grandeur recherchait les plus belles vierges dévouées à Dieu. Et cela s’appelle veiller à la conservation des murs !… Après avoir débauché les Hospitalières du Faubourg Saint-Marceau, d’Argenson fit son ordinaire de la Supérieure du couvent de la Madeleine-de-Traisnel. Le soir, en arrivant, il se mettait au lit, où ces dames l’aidaient à passer une magnifique robe de chambre. Enfoncé dans les duvets, il se faisait frotter les pieds d’eau-de-vie par ces saintes filles. Quel odieux gaspillage !… Il demandait ensuite qu’on les lui grattât doucement, pendant qu’il écoutait la lecture des écrous et des rapports. Il décidait ainsi du destin des innocents et des coupables. C’est là