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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/219

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l’entre-bâillement d’une porte, mi taper gueugueule à méçants avé casse-tête mon papa !

La Mère se hâtait d’ennoblir la rhétorique et de ramener l’enjouement sur les visages par la menace d’un Abraham ou d’un Booz à long terme.

Les concerts de chant liturgique ne commençaient pas avant cinq heures : on attendait l’abbé Lapin. Il venait avec sa guitare, le nez toujours un peu vermillonné. Il embrassait Raton, prenait de ses nouvelles et lui remettait les sous prélevés sur son tabac, pendant qu’une des filles allait dénicher l’Ordinaire de la Messe à sa place accoutumée. On ne le forçait plus de chanter Robin, mais les cantiques de Marie Alacoque au Sacré-Cœur de Jésus, dont l’accent le faisait pâmer. Puis il prenait modestement siège, réaccordait son instrument et regardait Raton d’un œil interrogateur. C’était à elle de décider. Son choix tombait le plus souvent sur le Magnificat, le Credo, le Veni Creator ou le Psaume In exitu Israël, qui étaient du goût de ses compagnes et du sien. Le reste suivait, presque invariablement.

La guitare, la harpe et le clavecin se mettaient d’accord. Sur un signe de l’abbé, Raton entraînait les voix qu’elle désespérait de rendre aussi religieuses qu’au Carmel. Il leur restait quelque chose de profane qu’il fallait peut-être attribuer aux ariettes et aux airs à danser