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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/221

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Ce fut à qui élèverait un autel du même genre dans le placard aux oripeaux, et rivalisant de goût, de perfection et de riches couleurs, les unes à la Vierge, les autres à la Madeleine ou bien à leur patronne, de sorte que, durant une semaine, le salon devint un atelier de découpage où l’on aurait lu à haute voix l’Ancien et le Nouveau-Testament. On y entendait aussi des contestations et des disputes soudaines dans un langage flatteur :

— C’est toi, ponisse, qui m’as pris ma colle ?

— C’est pour te coller le museau, baveuse !

— Ah ! là, là ! regardez-moi sa Vierge Marie !… Elle a l’air d’espérer l’client dans une guérite du Louvre !

— T’en as menti, fille de putain, bassinoire de corps de garde, pucelle de la rue Maubuée !… As-tu seulement jamais su c’que c’était qu’une vierge, toi qui n’l’étais déjà plus dans l’giron d’ta mère ?

— Il n’y a pas à dire, faisait la Gourdan, avant de s’être accoutumée à toutes ces choses divines, je suis vraiment la Mère-Abbesse ! Ce ne sont pas non plus les Argenson qui manquent !

Elle n’en prenait point d’humeur, songeant peut-être à sa fille à qui les Annonciades de Roye formaient un cœur chrétien, et, surtout, elle ne remarquait pas que tant de dévotion nuisît à la galanterie : au premier coup de sonnette, tout le monde délaissait Dieu et ses autels